33 -ème édition de La Route du Rock – Vendredi 15 août 2025 Saint-Malo : « Pulp Frisson »

« Beau Temps, mer calme »
Mille sabords, je me suis engilopétré l’esprit entre bulletin météo et expression désuète. Fatigué de ma nuit, travaillant mes photos depuis le lever du jour, j’ai oublié de mettre le nez dehors. Il ne fait pas beau, il fait très très beau et l’anxiété générale gagne le public de la Route du Rock :
« Chérie, as tu bien pris ma casquette? » ,
« Tu crois que si j’y vais en maillot de bain, on va me fouiller à l’entrée du site? »
« Je ne peux pas  porter ce bob aujourd’hui, c’est une journée Dandy ».

Bien sur tout cela, vous l’aurez deviné, sort de mon imaginaire galopant et ne vise qu’à vous conter cette seconde journée au fort St Père, pour ce qui restera comme le temps fort de cette 33 ème ‘édition. Je spoile, au risque de vous perdre, dès le second paragraphe. Allez, on rembobine, magnéto Serge.

18h30 + 33°c, un temps à embraser les forêts espagnoles et au passage à nous priver de soleil. C’est joli, ça fait du bien, mais c’est sacrément inquiétant.
Un dérèglement climatique, à faire sortir BICHE de la forêt de Fontainebleau ou de Rambouillet. Le groupe, fondé par Alexis Fugain (fils de Michel), est composé de cinq musiciens et navigue entre chansons pop, rock et krautrock.
Sur scène et à l’heure, malgré le fait d’attendre Anna alias Margaux Bouchaudon (private Joke), le groupe joue une musique plus directe que sur album et  séduit un public encore éparse. Il faut dire que le gros de la troupe fait encore la queue-chenille à l’entrée de site.
A noter la présence de guest-stars au 1er rang, chanteur et chanteuse émérites, reprenant à tue tête les morceaux du groupe parisien. Ce couple là, ne s’est pas demandé comment il-elle allait s’habiller ce matin en sortant de leur cuisine. Avec style, comme d’habitude, of course ! Attention le 1er prix de la moustache (for him) et de l’élégance (for her) peut déjà leur être attribué.

Premier mouvement de foule, à marée montante, pour voir l’avant, avant, avant….dernier concert de Porridge Radio.. Emmené par la magnétique Dana Margolin, le groupe de Brighton mêle guitares abrasives, claviers hantés et paroles martelées comme des mantras intimes. Entre post-punk et pop lo-fi, leur son est celui de l’urgence émotionnelle : imparfait, vibrant, profondément humain. La charismatique Dana et son groupe nous ont joué presque entièrement « Clouds in the Sky They Will Always Be There for Me », leur dernier, dernier, dernier album, acclamées par les baigneurs de la plage du fort, cette fois bien remplie.
 » On se croirait sur la cote d’azur, il n’y a déjà plus une place pour poser sa serviette ! »
Le porridge était délicieux et certainement pas trop calorique.

Sous un ciel rouge ( la faute à qui vous savez), le photographe, que je suis, à commis l’erreur du débutant : je me suis pris les pieds dans les Iso avec en plus un excès de sous vitesse.
Alors Dana, tu ne m’en voudra pas trop ! mais si tu pouvais revenir en solo ou bien accompagnée, moi j’en veux encore.

Ah ! si tu peux aussi te placer au milieu de la scène, ce serait parfait. C’est vrai que le positionnement gauche droite avec Georgie Stott (synthé) apporte à ce chant à deux voix l’écho qu’il mérite. Milles excuse à Sam Yardley (batterie), et Dan Hutchins (guitare), une nouvelle fois, il fallait prendre du recul pour capter leur image dans un viseur.

Mais l’essentiel est ailleurs. Dans la découverte par exemple. Cest donc, sur les conseils avisés d’un ami chroniqueur, que je repars à contre courant voir GANS, ce duo de Birmingham formé par Euan Woodman et Thomas Rhodes.
L’ami en question concourrait également dans la catégorie « Grand prix d’élégance et meilleure interview ». Pas simple cette combinaison de talent et pourtant certains y arrivent. Comment font ils?
Le gang GANS, inspiré par les paysages urbains et la littérature, nous livre un rock brut et intense. Porté par une batterie féroce et une énergie scénique explosive, le groupe incarne une sincérité percutante et sans détour et n’était pas loin de faire le casse du siècle : voler la vedette à Pulp.

Rattrapé par les démons du bide à l’air, c’est par cette faute de costume que le juge Fabrice vous donnera la note de 8,75. Soyez certain, que ce très joli saut boucle piquée de Euan Woodman par dessus la barrière, et ce salut au public, vous positionne dans le trio gagnant de la catégorie patinage Rock artistique du jour.

En parlant de saut, on peut affirmer que depuis leur décollage fulgurant en 2020, Yard Act s’est imposé comme l’un des fers de lance de l’indie britannique. Avec Where’s My Utopia, le quatuor de Leeds explore un son plus large et festif. Tout en livrant des textes introspectifs signés James Smith, le groupe affine son équilibre entre satire sociale (So British!) et vulnérabilité brute toujours avec une audace irrésistible. La guitare tranchante de Sam Shjipstone et la basse appuyée de Ryan Needham complètent à merveille le chanté parlé du leader. La moustache de Sam, ses yeux de cocker mais surtout ses solos appuyés en fin de set font mouches. Même du haut de la tribune VIP Le rythme apparait très soutenue et le public est une nouvelle fois ravie. Moi aussi!

Avec tout ça j’ai pas eu le temps de manger ! Et j’en aurai plus l’occasion. Mon ventre est vide mais la jauge public est pleine : 12000 spectateurs. Presque un record, si on ne remonte pas à 2005 avec la venue de Cure et les 15000 spectateurs. Il faut dire qu’à l’époque, la « forest » était plus vaste.

Hors de question de rater le groupe suivant. Tropical Fuck Storm, c’est le rock qui dégouline de tension, de sarcasme et de fièvre.
Autour de son leader Gareth Liddiard, pieds nus, coupe mulet et voix rocailleuse, on retrouve Fiona Kitschin (bassiste), Lauren Hammel (batterie) et la sulfureuse Erica Dunnle (chant guitare). Le quatuor australien dynamite les codes avec une fusion de post-punk, de noise et de psychédélisme. Guitares dissonantes, beats bancals, leur musique sent la sueur, le chaos.
Albums après albums, Fairyland Codex le dernier, Tropical Fuck Storm creuse une brèche dans le rock moderne, là où l’instinct brut et l’expérimentation totale prennent le pouvoir. Jouissif à souhait, une délivrance organique, sauvage, tribale, voir fatale.

On aurait pu conclure la journée sur ce moment de Rock, oui mais voilà le ressac de la mer nous entraine une nouvelle fois à l’opposée de la foule. Difficile de vivre l’instant présent dans son intégralité lorsqu’on doit se positionner pour LE GROUPE du Week End. Fausse excuse! quand on a la chance d’être accrédité. Prudence du marin d’eau douce qui a arrêté d’écoper (fumer tue !).

23h30 : Nous y voilà. Vingt-quatre ans après leur premier passage, Pulp est de retour à La Route du Rock pour son unique concert français.
Pulp, c’est l’icône britannique du britpop des années 90, emmenée par le charismatique Jarvis Cocker. Originaire de Sheffield, le groupe a su capturer avec finesse et humour les nuances de la classe ouvrière anglaise, mêlant pop sophistiquée et mélodies accrocheuses. Entre textes ciselés et ambiances souvent teintées de mélancolie urbaine, Pulp a marqué toute une génération avec des albums cultes comme Different Class et This Is Hardcore. Il séduit également les plus jeunes avec le brillant More, longtemps attendu et sorti le 6 juin dernier ( huitième album studio).
Pulp débarque en terrain conquis et retourne instantanément un Fort en transe. Dès les premières notes, c’est une déflagration musicale, un souffle de bonheur. D’abord la voix, puis l’image. Jarvis sort de la pénombre, s’avance et pose un pied sur le caisson de retour son. Un petit pas pour lui un grand pas pour l’humanité musicale. « C’est à cela qu’on reconnait les grands » me dira un très très bon ami. « Bowie le faisait déjà, Nick Cave aussi . » La classe à l’état pur, un Pulp frisson.


Pendant ce temps là, l’ensemble des photographes assoiffés de boissons numériques au bon goût Pulp Orange ou Citron est débarqué manu militari dès la première chanson.
Incompréhension, nous voilà cantonné en très mauvaise posture, trop loin pour apercevoir les cotes anglaises, tenu de regarder sur grand écran Jarvis Cocker. Heureusement que le cabotin génial, mène un show d’une élégance rare, en frontman cavalier des caissons, oscillant entre puissance (Disco 2000, Common People), noirceur (This Is Hardcore) et tendresse (Something Changed ). La setlist pioche avec malice dans tout leur répertoire, entre classiques inoxydables et l’éclat de More. Au diable l’avarice, même à cet endroit, le moment est magique. Miraculeux même quand à 2 titres de la fin, le service communication rapelle les abeilles photographes restées au plus près de la Ruche. Nectar succulent que ce final en apothéose avec Babies et un Common People repris en chœur par une foule extatique : communion totale, cadeau immense, sommet intemporel.
La messe est dite, Pulp survole en ce 15 Août les cieux de St Père. Le pape Jarvis court toujours après Deborah « I never knew that you’d get married ». L’an 2000 est loin derrière nous, et on danse toujours sur du Disco.

Une dernière danse, ou plutôt un pogo , Deborah a rechaussé ses Doc martens et s’en va écouter Frankie and the Witch Fingers du psych-punk furieux venu de Los Angeles. Avec Trash Classic, on quitte définitivement la campagne anglaise et on plonge dans des univers mêlant proto-punk, krautrock et funk fusion. Une tension brute et hypnotique qui les place aux côtés des géants Ty Segall et Osees, incarnant parfaitement l’énergie sauvage et débridée de la scène psyché actuelle. Le service comm du groupe parait cette fois beaucoup plus détendu. Les cheveux sont verts et les feux photo aussi, tout le set étant libre d’accès, à qui le veut. Tentant mais après une journée aussi intense, vous permettez Monsieur que j’emprunte votre file … de sortie.

Et avec tout cela, on ne sait même pas qui a gagné le concours d’élégance et de plus belle moustache ! Et la chenille, il n’en parle pas le Monsieur? Promis, je vous écris cela demain , je pense que cette troisième journée sera moins intense.

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