Le Psy qui chante : La Route du Rock St Malo le 02 Mars 2024.

Nous y revoilà ! Toujours cette fièvre du samedi soir à Saint-Malo pour notre 3ème rendez-vous musical de l’hiver.

La veille, la soirée fut particulièrement belle et c’est avec confiance que je commence à discuter avec le festivalier qui me précède le long des barrières d’accès. Un fidèle, qui a pris sa place à l’avance, sans trop connaître les groupes à l’affiche. Je l’entends évoquer le nom de SLIFT et je lui avoue ne pas connaître ce groupe français. Ma curiosité est encore plus aiguisée quand j’entends le terme « Stoner ». « C’est un style musical, déviant du grunge dans les années 1990 et virant métal psyché pour devenir un genre à lui tout seul », me dit un festivalier hirsute. Le Stoner attire encore les foules, me dis-je, mais ses adeptes ne semblent pas fréquenter le même coiffeur que moi. Leur signe de ralliement : cheveux longs au vent. Retour à l’âge de pierre avec le Stoner ? Je ne l’espère pas, je ne suis jamais encore allé au Helfest et crains de ne pas être à jour.

Ce soir les filles reprennent le pouvoir et ce sont les Lyonnaises de eat-girls (ndlr : deux femmes et un homme) qui ouvrent cette soirée. Ça change, car hier 100 % des groupes portait la moustache. Etonnant, après la dénonciation des Lambrini Girls « de mainmise masculine sur le rock ». Loterie de line-up ? Probablement. C’est avec élégance et une voix singulière qu’Elisa Artero Flores entame une série de titres minimal wave, soutenue par le synthé 80’s d’Amélie Guillon et la basse de Maxence Mesnier. Leur prestation est très agréable. Leur jeunesse leur vaut d’avoir, à deux, l’équivalent de mon seul âge et une apparente richesse musicale, qui les conduit à puiser volontiers dans la new wave des années 1970, pour façonner ce qu’il et elles appellent une « pop post-punk ». Sur scène, Amélie, Elisa et Maxence utilisent leurs trois voix, basse, guitare, synthétiseurs, et alternent le leadership. Mon voisin est sous le charme et ne se remettra pas des petits pas de danse d’Elisa, élancée sur ses jolies ballerines rouges. Le reste de la prestation du trio ne fera que renforcer l’idée que ce groupe a un bien joli avenir devant lui, tant en originalité qu’en assurance. Leur premier EP est sorti en 2020 et, comme beaucoup, s’est construit en huis clos, confiné, mais depuis libéré. En attendant de sortir leur premier album, ils nous ont ouvert sur cassette leur univers imaginaire avec le titre Canine : « Mia-mia-mia ou ! ». Un petit bonbon sucré.

En parlant de friandises, comment s’appelle cet OVNI musical qui arrive sur scène ? Lieselot Elzinga, la chanteuse du groupe Baby’s Bersek. Elle s’apprête à se produire tel un mannequin haute-couture, en talons aiguilles, bas-résille, justaucorps, mini robe à cravatte lavallière rose bonbon. Un nuancier tout en couleur que porte fièrement la designeuse et musicienne. Sur scène, elle est accompagnée du Néerlandais Mano Hollestelle, pilier du groupe Mauskovic Dance Band, veste en cuir à franges et béret basque, et d’une claviériste en combinaison vinyle que je nommerais Catwoman par défaut d’identification. Vous l’aurez compris, nous sommes partis pour une fête musicale, brassant pèle mêle house music 90s et fureur post-punk. Un mélange de haute couture et de chorégraphie très prononcée. C’est flamboyant, comme une pochette d’album de Roxy Music, une musique hybride façon Throbbing Gristle et très esthétique. Ne manquait plus que du dynamisme à cette équipe de choc pour que le succès soit au rendez-vous ! C’est chose faite avec quarante minutes d’agitation qui ont fini par transformer les cheveux blonds peroxydés de la belle, soigneusement plaqués en début de set, en crête d’oiseau exotique, fière de ses couleurs flamboyantes. Le volatile néerlandais s’en est allé après avoir tenté un équilibre précaire sur la crash barrière et réussi à faire danser ce public festif séduit par cette ménagerie (Dancing With The Fish). Trop de couleurs pour le pavillon Route du Rock !

Revenons au basique, le noir et blanc. Je les attendais, eux aussi comme le Messie, après l’écoute attentive et enthousiaste que j’ai fait de leur dernier album Pointe : les Américains de Hooveriii pointent leur nez et attaquent pied au plancher un rock psychédélique qui malheureusement sature trop rapidement l’air autour de mes oreilles. Comment ? Je n’entends pas votre voix, vous pouvez répéter ? Mais voilà, on n’arrête pas un train lancé sur les rails du rock US made in Californie. La combinaison de vibrations Krautrock et de mélodies psyché sonne de façon originale et fait de ce cocktail le premier engin explosif du festival. Le public pogote, la bière s’échappe des gobelets et finit par avoir ma peau de photographe recroquevillé sur le sac à langer de mon enfant Nikon. Au diable le son, pourvu qu’on ait l’image ! Sacerdoce supplémentaire qui fait passer ce type de concert pour une bataille épique où je combats des chevaliers velus et des vilaines spectatrices agressives, pour la quête de l’illustration numérique. La bataille n’est pas équitable et je me réfugie à l’auberge de la blonde qui mousse pour me remettre de ce mouvement populaire. Le son est toujours étouffé et, enfin, je reconnais un ou deux titres du nouvel album du groupe. Difficile dans ces conditions d’apprécier ce concert qui, à oreilles d’expert du Levitation, n’était pas du tout « monowtone ».

C’est donc également depuis les gradins que j’observerai la prestation du groupe tête d’affiche de la soirée : les Français de SLIFT. Cocorico ! Dire qu’un groupe américain fait la première partie d’un groupe français, ce n’était pas gagné et difficile à imaginer (ndlr : Tom Jones assurant la première partie de Michel Sardou !) ! Ce sont donc ces trois-là qui composent SLIFT : les frères Jean et Rémi Fossat et Canek Flores. Formé en 2016, le bouillant trio toulousain a su allier la gravité du stoner à l’énergie du rock garage dès son premier EP puis successivement sur deux albums, Ummon et tout dernièrement Ilion, acclamé par la presse et plébiscité par un public « capillotracté ». Un « cinéma son » épique mêlant l’intensité furieuse du métal aux accords psychés d’une guitare déjantée.
« La musique est un cri qui vient de l’intérieur ». Oui, Bernard, à condition d’avoir un peu de l’ADN de 13th Floor Elevators mélangé au son des Black Sabbath. Faut-il aussi apprécier le genre hypnotique qu’est le rock-psyché, proposant des riffs puissants et des montées qui succèdent à des phases musicalement répétitives et parfois lassantes à mon goût. Dans ces moments-là, prendre de la hauteur et s’envoler vers la voute céleste de la salle Nouvelle Vague est bénéfique. Avec le recul, les fesses dans un fauteuil, j’apprécie mieux ce concert et observe l’engouement du public. Sept morceaux en soixante-dix minutes, faites les comptes de chaque bouffée de Stoner !

Pas étonnant que, si près du paradis, je croise un demi-dieu : Lias Saoudi attendant patiemment son entrée dans l’arène. « Hello, nice to meet you !”. “Hi », me répond le leader des Fat White Family. Le type est impressionnant et dégage un côté sauvage, l’odeur du cuir de sa veste y étant peut-être pour quelque chose. Trente minutes après, je retrouve ce même Lias, sur scène, ayant troqué son jean pour un survêt bleu, assorti à des chaussettes de tennis noires, sa veste en cuir à même la peau. Quelle transformation du frontman qui, accompagné des trois acolytes alignés sur leurs consoles électroniques, Quinn Whalley (Paranoid London, Warmduscher) et les frères Luke & Liam May (Trashmouth records), se lance dans ce parcours acid house sous le nom de DeciusLook Like A Man voit Lias tutoyer les sommets aigüs de la house sous acide (ou en transe) avec un timbre de voix proche de Donna Summer qui sentait l’amour. Il enchaîne avec Bread et Butter à quatre pattes, torse nu et le survêt remonté. Un filet de bave aux lèvres, la bouteille de whisky ne le quittera plus. Est-ce l’excès de beurre ? Le bonhomme est en transe, mais cette image ne me rassure pas et m’interroge sur le sens de ce type de prestation. Je dois être trop vieux ou nostalgique d’une période où les bonbons s’appelaient La Pie Qui Chante et non pas Le Psy Qui Chante. Respect Monsieur, mais je ne vais pas rester ! Il est dommage de se mettre dans un tel état quand on a ce talent. C’est peut-être le prix à payer pour être créatif, mais à ce jeu là on peut partir les pieds devant, au grand désespoir des fans.

Voilà, c’est fini ! Rendez-vous le 15 août prochain pour la version estivale de la Route du Rock. D’ici là, si les symptômes persistent, je reconsulterai : 32 ! 32 ! 32 !

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