PETER KERNEL 06 Mai 2023

THEATRE ST ETIENNE RENNES, Festival les embellies.

LiVe report par Fabrice et l’Oreille Classée.

Il est de ces concerts qui vous laissent pantois. Il en est d’autres qui vous laissent indifférent. Celui auquel nous avons participé samedi 06 Mai dernier, au festival les Embellies de Rennes, fait partie de la première catégorie.
L’adjectif se précise par sa définition « dont le souffle est coupé par l’émotion, la surprise ». Voilà un bon résumé de la prestation livrée par la tête d’affiche de ce rendez-vous rennais : le groupe PETER KERNEL. Pour être plus exact, on peut même dire que tout était réuni pour combler un spectateur comme moi à savoir :

Un lieu : le Théâtre Saint Étienne, une scène réchauffée que nous retrouvions après les excellentes prestations hivernales des Bars en Trans pour lesquelles nous avions découvert l’antre animé de cette ancienne église.

Un public

Un petit comité (environ 200) en cette fin de soirée aux environs de 23h, qui jusque-là se demandait probablement pourquoi une programmation musicale se devait d’être aussi éclectique. En effet les prestations précédentes répondaient au line up du festival (divers et variés) mais manquaient singulièrement de folie ou d’audace. Oh que le temps fut long avant d’entamer le voyage en pays helvétique ! A en avoir mal au cœur et aux jambes. Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais tout de même monter la qualité, ne serait-ce qu’aux morceaux dj-sets d’entre 2 concerts. La reine Polly Jane (PJ Harvey) prenant le dessus sur une musique française un peu moins à mon goût. Nous étions 3 ce soir-là, en plus des 197 autres, déplacement culturel helvétique en famille oblige.

Un Super groupe : quinze ans de carrière, quatre albums, un studio, un label. Peter Kernel est la brillante démonstration que le rock indépendant, lorsqu’il est fait avec générosité, dure et trouve son public.

Crédit Fabrice et l’Oreille Classée

J’étais celui qui avait fait connaître Peter Kernel à la famille. Mon oreille attentive a tout de suite été séduite par cette ligne de basse d’attaque et ce jeu de voix féminin-masculin que j’apprécie tout particulièrement. Alors, en arrivant au merchandising, j’ai fouillé les fonds de poches et mis à contribution le trio familial, histoire de ramener au minimum le vinyle dédicacé. Les comptes du festival étant séparés de ceux des artistes, le liquide s’imposait. Heureusement, les doublures de portes monnaies cachent bien souvent quelques pièces jaunes. Impatience d’avant concert qui vous astreint à porter le précieux objet pendant les 3 heures suivantes. J’en ai marre de racheter un tote-bag systématiquement oublié au fond d’un placard ! Alors je porterai le précieux. Petite déception, je n’avais pas assez de liquide pour me payer les petites poupées Peter Kernel en série limitée qui, à défaut de me faire jouer, m’auraient certainement orienté vers

l’identité du groupe : qui est Peter et qui est Kernel ? Lui et Elle, Elle ou lui ?

Aucun des 2 mon capitaine ! Derrière ce nom de groupe improbable se cache depuis plus de 15 ans un duo suisso-canadien, composé d’Aris Bassetti (lui) et de Barbara Lehnhoff (elle). Il parait qu’avant il s’appelait « El Toco », mais que ce nom de groupe trop typé les condamnait à jouer exclusivement dans les festivals du bout du monde, en mode Bossanova. Alors à leur grand regret, ils ont fini par se choisir ce prénom et nom commun (cf interview Mowno https://www.mowno.com/articles/interviews/peter-kernel-nest-plus-un-lapin-de-six-semaines/).

crédit Fabrice et l’Oreille Classée

Sur scène comme à la vie, l’histoire de ce DUO trouve pour origine un talent pour l’expérimentation musicale, sonore et visuelle. Des artistes punks qui reviennent à une forme de musique minimale et primale. Il faut dire qu’au tout début, ces deux-là ne sont pas sortis du conservatoire. L’approche instrumentale s’est faite sur le tard et la pratique a pris la place sur la théorie. Ils se sont rencontrés étudiants en dernière année de communication visuelle et se sont tout de suite plu, le talent créatif de Barbara faisant mouche chez Aris. Un signe distinctif du groupe Peter Kernel qui fait tout lui-même. Du Do It Yourself de talent, assumé et nécessaire, tant le métier de musicien indépendant n’est pas le plus lucratif en Suisse. 3 albums en 15 ans, dont le dernier The Size Of The Night sorti sur leur propre label On The Camper Records en 2018. L’attente est longue pour les fans, même si en 2020 sort une collection de démos, de live, de titres rares, inédits sur l’album « Perseverance : 15 Years of Peter Kernel ». Ils sont rares en concert et comme tout ce qui est rare est précieux nous ne pouvions que nous attendre à passer un très bon moment.

Un très bon moment !

En commençant la set list de ce soir avec le morceau « He’s a Heartattack », le ton était donné. Cette musique assez simple dans sa composition s’accompagnait d’un chant « crié » alternativement par Barbara et Aris. Les accords de guitares et de basses s’entremêlent et les sursauts de batterie annoncent la déferlante proche. Les hochements de tête d’Aris et les regards complices témoignent que ces deux-là se connaissent depuis bien longtemps sur la scène et en dehors.

Peter Kernel est un groupe à 3 mais l’animal de scène est un serpent à 2 têtes, il siffle à gauche et à droite et finit par vous hypnotiser. Certes le 3ème homme, le batteur, se situe en milieu de scène, son jeu est omniprésent, mais on retiendra surtout sa présentation par Aris, comme l’avocat du groupe. Fidèle conseiller en affaires patrimoniales et matrimoniales probablement. C’est une habitude chez Peter Kernel d’être accompagné d’un ou de plusieurs batteurs, des prestations avec orchestres symphoniques ayant également été déjà jouées.

On enchaine avec « I’ll Die Rich At Your Funeral » où la voix d’Aris est particulièrement mise en avant. Une voix perchée, riche et singulière, un chant en anglais qui, une fois encore, se complait en alternance avec celle de son penchant féminin aux intonations étonnamment plus graves. S’enchaîne une succession de bons morceaux aux intros « Curtisiennes » en particulier « you’re flawless » où, une nouvelle fois, la basse noire de Barbara provoque la guitare folle d’Aris qui finit par prendre le dessus sur celle-ci. Difficile de gratter sans chanter se dit Aris. Oui, mais les cris tribaux de Barbara, soulagée de ses Docks Martins, finissent par gagner ce bras de fer puissant et jubilatoire et l’emporter par KO, le tout en souriant s’il vous plait ! Après cette première tempête, une balade est la bienvenue.

crédit Fabrice et l’Oreille Classée

Ça déroule.

Le public se dit qu’il a beaucoup de chance de participer à ce moment « Terrible Luck ». La voix est posée et on redescend dans la vallée après les sommets. La Suisse est un pays de paix et on ne partage pas que la bonne musique avec ce pays frontalier, la langue aussi. Il est temps de poser les questions, en tous cas c’est le programme prévu par Peter Kernel. « Vous avez des questions ? Non ? » « A quand le 4ème album ? », ose votre serviteur, impatient d’en découdre avec de nouvelles compositions. Moment rare de discussion francophone ou entre explications de textes et de vie, on finit par comprendre que ces deux-là ne sont plus ensemble et que créer du Peter Kernel c’est parfois long quand les projets individuels de chacun se télescopent (cf. le projet solo de Barbara alias Camilla Sparksss). Patience, on nous promet l’opus pour la fin de l’année.

Repartons en voyage avec des morceaux plus anciens «Africa », plus léger, « Majestic Faya », plus glaçant et bientôt hypnotique, sous un feu de lumières rouges et blanches. Le couple de scène est déchaîné et instrumente les spectateurs en leur demandant de reprendre en silence un de leurs morceaux. La salle et les Kernels sont aphones juste le temps de sortir l’appareil Iphone et de prendre en portrait le premier Gerald invité sur scène. Spectateur volontaire chevelu et heureux qui reviendra à la nage pour le slam de la soirée.

La fin du concert approche.

Comme la générosité du groupe ne s’arrête pas là, ce n’est pas moins de 5 chanceux invités qui papillonnent, tels des insectes attirés par la belle lumière et jamais effrayés par les chants, sur la scène du Théâtre St Etienne en dansant sur «  I Kinda Like It ». Ils sont beaux et nous rendent tous jaloux de cette opportunité scénique. On voyage une nouvelle fois d’abord en silence « dans la forêt de Paris » ou plutôt celle de « Brocéliande », puis accompagnés par les cris d’animaux sauvages suggérés par le public conquis par cet échange avec les rockeurs. Barbara est féline, Aris a du chien sur cette musique tribale où on pense entendre parfois un miaulement félin ou un aboiement canin. Il suffit de regarder les pochettes de leurs 3 albums pour retrouver sur l’une le couple aux cheveux enlacés et sur les 2 autres nos amis domestiques chat et chien.

crédit Fabrice et l’Oreille Classée

« Panico ! This is Love », un des premiers morceaux du groupe sonne déjà. Cette musique rend fou le hocheur de tête par sa simplicité et ses riffs déroutants. Sa rythmique s’accélère et s’emballe. Pas de panique, c’est l’amour ! Puis il est temps de sonner les rappels et c’est là que je peux enfin exhausser un vœu de près de 40 ans : une prestation scénique à mon niveau, un pas de danse enivrant et si vivant sur le dernier morceau « HIGH FEVER ». Il faut dire que l’ensemble du 1er rang avait été convié à cette fête du rythme, mais seuls quelques « courageux » avaient osé monter sur scène. Oh la bonne idée ! Merci à ce groupe pour cette générosité et cette proximité. C’est à cela qu’on fidélise son public, loin des distanciations d’un autre temps. C’est avec cela que le spectateur transcende son amour de la musique. Franchissons le pas. Chantons ! Dansons ! Ecoutons de la musique et allons au concert, en tous cas à ceux de Peter Kernel.

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