PIES PALA POP FESTIVAL 09 Juin 2023
Rennes, du 9 au 10 juin 2023
Live-report rédigé par Fabrice Droual le 12 juin 2023
Des pies, des chats, c’est une vraie ménagerie qui nous attend au Jardin Moderne en ce vendredi 9 juin. La chouette association « Des Pies Chicaillent » nous y a donné rendez-vous pour la seconde édition de son festival Pies Pala Pop et nous promet des concerts de qualité ultime à Rennes. Un mois sans pluie, une danse d’indien et voilà les orages. Non ! La terre bretonne serait-elle maudite ? On ne va pas une nouvelle fois passer du short de bain au ciré bottes, cliché des festivals d’été breton. De toutes façons on n’est pas encore en été et la joie de retrouver en extérieur des festivaliers suffit à mon bonheur, tant pis pour les quelques gouttes. Les chats n’aiment pas l’eau, c’est bien connu, mais il n’est pas dit que les pies jacassent avec l’orage et que nos lecteurs, à défaut d’explications, suivent mes histoires. Je vous précise donc que l’animal fétiche de cette association est le chat, que ceux-ci pullulent sur leur site et tiennent régulièrement la discussion avec la fameuse pie qui chicaille (histoire de grand-mère).
Revenons donc à l’origine de cette chronique : le concert du groupe post-punk Italia 90. Nos quatre Anglais démarrent une mini tournée franco-italienne avec le vent en poupe, porté par leur album Living Human Treasure sorti en janvier dernier et largement salué par la presse dite « spécialisée. C’est donc ce vent qui nous a ramené un peu de pluie, mais surtout un public confortablement jaugé de 350 personnes sur le site emprunté au Jardin Moderne. Un festival à taille humaine ! Que du bonheur de pouvoir garer sa voiture en face de la billetterie, de saluer trois agents de sécurité et de se rafraîchir le gosier tranquillement assis « comme dans son jardin », chatouillé par quelques herbes hautes et coquelicots champêtres. Le chat, mascotte de l’association, n’est pas visible, mais l’impression d’être à une fête de famille où les convives ont le sourire traduit bien la réussite de l’évènement. Passé les deux premiers groupes, Selen Peacock, quintet français électrique-jazz et ses chansons pop (l’album Horizon Fondu paru chez Another Record) et Oruã, groupe brésilien distillant à travers son troisième album Íngreme (2021) un savant mélange d’expérimentations krautrock ascendant noisy, c’est au tour de nos faux italiens d’assurer le troisième set.
Il est 21h40, Les Miserable, leader du groupe, rejoint son guitariste Georgie McVicar sur la petite scène de huit mètres sur quatre pour jouer le morceau Cut. Ce dernier lacère les cordes de sa guitare au médiator, prolongement naturel de ses ongles vernis de noir plongeant instantanément l’auditeur dans une ambiance des plus sombres. La batterie mécaniquement martelée de Joe Davis et la basse de Robert Heath minutieusement calquée confirment cette impression. Le son sera énergique et nerveux.
C’est probablement le physique du leader, imposant du haut de son mètre quatre-vingt avec son look skinhead, rangers cirées et crâne rasé qui aurait pu nous inquiéter. Même pas peur ! Très vite, on sent dans ce visage et ses yeux bleus un « vrai gentil ». Ce gars porte un tee-shirt des Damned, est habillé comme un punk, c’est un molosse mais c’est un gentil chat, ça se voit ! Son tee-shirt traduit probablement ses ambitions, faire de la musique, de la bonne, en s’inspirant de ces prédécesseurs, tout en distillant un chant enragé traduisant une colère commune à beaucoup de gens en Angleterre.
On retrouve la noirceur des trois premiers titres de l’album joué dans l’ordre ce soir. Le morceau Funny Bonnes, aux faux airs d’intro de Baxter Dury, faisant retomber la tension « orageuse » précédemment installée. S’enchaînent ensuite deux morceaux plus anciens et toujours aussi incisifs, Stroke City et An Episode, rappelant à certains que ce groupe sort de très bons morceaux depuis déjà six ans. Il est vrai que ceux-ci ont été distillés au compte-gouttes via des sorties successives.
Très vite, la basse de « Bobby » venu sans son célèbre béret (façon Captain Sensible en référence peut être à The Damned ?) prend les devants sur le morceau New Factory, rapidement rattrapé puis dépassé par les riffs de plus en plus sanglants et lacérés de Georgie, adepte d’un travail de la guitare frénétique. En cette période orageuse, on aurait pu craindre le chaos. Tout au contraire, malgré quelques soucis de microphone, la voix portée de Les paraît harmonieuse sur le morceau homonyme Harmony. Les paroles scandées en boucle « Red flags, warnings, apologetic mornings patterns, behaviour, honourable saviour », dogme révolutionnaire, font pogoter trois spectateurs pressés de revenir en 1977. Oui, mais l’enchaînement avec le morceau Tales From Beyond fait retomber la poussière sur ce titre qui n’aurait pas démérité une pole position à Top of the Pops en 1983. On termine le set « express » par Competition, titre de sept minutes aux guitares shoegaze qui nous laisse la liberté de choisir entre le lait ou le miel (rapport au chat) ou l’argent.
Cette divergence d’objectif nous prouve qu’un groupe comme Italia 90, loin des compétitions d’usage sur une scène anglaise post-punk largement dotée, a su trouver sa place entre shame et Fontaines D.C. La bonne nouvelle, c’est qu’ils en ont sous le coude, à l’image de ce concert, court (quarante-cinq minutes) mais intense.
Crédit Photos Fabrice Droual