VIEILLES CHARRUES 17 Juillet 2023

Carhaix, du 13 au 17 juillet 2023

Live-report rédigé par Fabrice Droual le 18 juillet 2023

C’est Lundi, on y est, le « D Day » made in USA. Ce n’est pas le 4 juillet, mais le jour le plus cher de l’histoire des Vieilles Charrues. Le chanteur des Red Hot Chili Peppers, Anthony Kiedis, accompagné de Michael Peter Balzary dit Flea, Chad Smith et John Frusciante, débarque pour un concert qui devient par la même occasion historique. La presse a beau faire et refaire son calcul, l’équation mathématique est complexe. Comment est-on passé d’une fête de 500 potes « Landelo 92 », au budget participatif, à ce mastodonte de 24 millions d’Euros de budget ? La faute à Johnny en 2006. Une édition qui avait marqué un tournant financier dans l’histoire du festival et rajouté une journée supplémentaire à celui-ci. L’association avait déjà cassé la tirelire à l’époque. Que dire de l’inflation, version Bruce Springsteen ? Son cachet en 2009 avoisinait le million. Difficile d’avaler la pilule ! Il faut croire que non puisque, quatorze ans après, on multiplie par deux le tarif des Américains. Rapport coût-horaire, l’équation n’est pas juste. La calculatrice ne marche-t-elle plus ? Ils sont quatre, ont joué deux fois moins longtemps que Bruce, accompagné à l’époque des dix-sept musiciens de son E Street Band. Cherchez l’erreur ! On nage en pleine démesure. Il n’y a pas que la planète qui chauffe, le porte-monnaie aussi ! C’est Monsieur le contrôleur de gestion qui doit en perdre le nord.

Malgré tout, les organisateurs ont réalisé « un coup » et, rien que pour cette audace, on ne peut que les féliciter. Jean-Jacques Toux, le programmateur des Vieilles Charrues, le dit à la presse : « Cela fait une quinzaine d’années qu’on court après. Ça avait failli se faire une année, on avait même un accord oral, mais ça avait été annulé. On est hyper contents de les recevoir et le public les attend ». Encore un changement d’époque. Les Red Hot Chili Peppers ne sont que quatre sur scène mais ils embarquent avec eux un groupe de cent personnes en coulisses : techniciens, chauffeurs et même un cuisinier probablement spécialiste du chili au poivre. Un show clé en main capable, si la structure technique et financière le permet, de prendre possession d’un site en moins d’une journée. Pour cela, il faut faire table rase et sécuriser les environs. Il se dit même que les Américains ne voulaient croiser personne à l’exception de leurs roadies et techniciens. Peur de croiser Henri, le dernier membre du groupe musical Les frères Morvan ? Ou plutôt excès hygiéniste par crainte du vilain virus pourtant presque battu ?

Toujours est-il que les spectateurs se sont pas en retard en ce début d’après-midi à Carhaix malgré l’affluence rue du Kreisker. Du bouchon comme s’il en pleuvait sur les routes, mais pas au bar de l’espace média, la sobriété du chroniqueur garantissant son bon vieillissement. Côté concert, c’est au groupe Nova Twins qu’il revient d’attaquer le buffet. Les deux Londoniennes Amy Love et Georgia South, reines de l’urban punk, vont nous servir une infusion lourde de riffs de guitare et de basse maltraitée. Un mélange savant de punk hip-hop, chic côté look des filles et choc côté oreilles des spectateurs. Bonne dégustation !
Formation engagée, impliquée dans les causes comme Black Lives Matter ou No Music On A Dead Planet, Nova Twins porte l’étendard d’une mouvance féministe combative en colère contre un monde aux communautarismes chaque jour plus refermés sur eux-mêmes. Créatives dans leur musique et leur vidéo, Amy et Georgia ont réussi à mettre le feu au-poudre de cette dernière journée.

Skip The Use, le fameux groupe de rock lillois, effectue son grand retour au Vieilles Charrues huit ans après sa dernière venue. Mat Bastard et sa bande apparaîssent d’abord affublés d’une cagoule blanche. Une nouvelle protection hygiéniste ? Connaissant la réputation scénique de Mat, on peut en douter ! En effet, Mets Pas Ta Cagoule et Célèbre La Fraternité sont des titres imaginaires que le leader généreux des Skip The Use aurait pu chanter. Communie Avec Ton Public et Rends Toi Accessible pourraient aussi faire partie de leur setlist.
Les photographes ont pu suivre derrière les crash-barrières aux pieds de la scène l’intégralité du concert. C’est devenu rare et exceptionnel, il faut le souligner. Et quel privilège pour nos yeux qui peuvent ainsi inspirer le cerveau (fatigué) et l’aider à retranscrire ces moments. La générosité est au rendez-vous du concert proposé par le Lillois, en transit aérien régulier entre Los Angeles et la capitale Nordiste. Stoppé comme beaucoup de groupes en plein élan créatif, Skip The Use revient avec un nouvel album, Human Disorder, et une nouvelle tournée. Des morceaux punchy, de beaux riffs de guitares et une vraie puissance rythmique nous prouvent que ces quatre-là n’ont pas perdu leur énergie. On pourrait les rebaptiser Keep The Use. Le public est ravi et reprend en cœur le titre Ghost venu hanter la mémoire collective, alors que Mat chantera aussi en duo avec sa femme Anthéa (A-Vox) sur le morceau The One Two. Un beau moment de complicité, avant de se jeter tout entier avec ses quatre musiciens dans la foule pour un slam très original.

On enchaîne très rapidement avec le groupe français Silmarils, à qui il revient, chronologiquement, de faire la première partie des Red Hot Chili Peppers. Pas mal sur un CV ! Mais ces gars-là n’ont plus besoin de cela. Fer de lance de la scène rock fusion de 1995 à 2010 avec des titres évocateurs (Cours Vite, Va Y Avoir Du Sport, Tant Que Parle l’Economie, Guérilla…) le groupe vient de sortir un nouveau disque, Runfast, dont je vais suivre le titre à la lettre et quitter très vite la scène Kerouac. J’ose le dire : ce n’est pas mon truc.
J’aurais largement préféré entendre The Inspector Cluzo à l’heure où on rentre les vaches (20h), plutôt que de me contenter de les croiser en conférence de presse à 16h30. Leur accent du sud et leur amour de la nature, des animaux et du foie gras m’ont séduit. Du rock de combat comme ils le disent. De toute façon, si je veux les revoir, je n’ai qu’à descendre sur le marché de Mont-de-Marsan où ils vendent des foies gras, rillettes et confits d’oie de leur élevage de Lou Casse. Ils me présenteront leur neuvième album autoproduit, Horizon, et enregistré, excusez du peu, en trois semaines à Nashville.

La voilà la transition écologique qui fait le lien avec les USA et l’arrivée tonitruante des Red Hot Chili Peppers. C’est de loin que votre serviteur, après avoir cumulé 66 000 pas et quarante-six kilomètres de marche (mon 1er marathon !) sur cinq jours, voit débarquer les extraterrestres. Niveau vestimentaire, on ne peut pas dire qu’ils aient cassé la tirelire ! Je suis déçu. Avec 2 millions d’euros, le port des chaussettes de football violettes (avec une petite virgule) de Flea, ou le chasuble vert fluo manches longues d’Anthony Kiedis reflètent un attrait plus que relatif pour la consommation du textile. Mais vous allez me dire, on n’est pas dans un défilé de mode et vous aurez raison ! Non, on est dans une présentation musclée, abdominaux saillants pour ces sexagénaires bien conservés.
Il faut dire que je les vois de très loin et c’est surtout par le son que les présentations sont faites. Les solos successifs de chaque musicien montrent tout de suite qu’on a à faire à la crème des rockeurs : riffs de guitare de John Frusciante, solo endiablé du batteur tigré Chad Smith qui jongle avec ses baguettes, folie d’un Flea déjanté sautant comme un cabri, bonnet rouge au vent. C’est un jeu puissant et déluré. L’entente entre les guitares est remarquable et le style bass fusion de Flea confirme qu’il est le second meilleur bassiste de tous les temps, juste derrière John Entwistle de The Who. Ce n’est pas moi qui le dis mais un célèbre mensuel rock à guitares.

Ne restaient plus que les premières notes de Can’t Stop chantées par une voix claire d’Anthony Kiedis pour enflammer un public conquis d’avance. Les morceaux se succèdent et on peut dire que le job est fait. Quoique ? 1h30 de concert au lieu des 1h45 attendue. Bien moins pour moi qui, préférant définitivement le style anglais à celui du pays de Superman, m’éclipse en milieu de show. Irrespectueux ? Non ! Prudent tout simplement au vu des trois heures de bouchon attendues. « Musicalement, il n’y a rien à redire, mais ils ne font pas d’efforts pour interagir avec le public », dira une spectatrice à un journaliste du Télégramme. Au contraire, pour de nombreux fans, le show a été exceptionnel. « C’est dingue ! Ils sont incroyables », s’enthousiasmera à son tour un festivalier sur le tube Give It Away. « Un show à l’américaine mais sans plus » pour d’autres.

Pas de regrets d’avoir écourté la durée du concert « du siècle » des Vieilles Charrues. J’en ai vu, d’autres, chargés de plus d’émotions (point de vue personnel) et je sais que je reviendrai : « I ‘ll be back » en 2024 pour quatre jours de bonheur collectif entouré de 300 000 personnes. Merci au passage aux organisateurs et aux bénévoles qui ont tenu la distance des cinq jours. Bravo les programmateurs qui ont, au final, réussi ce cocktail de genres ! Si je peux exprimer un dernier vœu : Please hang the DJ, moi c’est le Moz que j’aimerais voir à Carhaix !

Crédit Photos Fabrice Droual.

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