Baxter Dury , le MEM Rennes 06 Octobre 2023
La première fois que j’ai croisé Baxter il était nu !
Ou du moins torse nu, sur la pochette de son album.
Il m’a d’abord servi de la bonne soupe avec sourire en 2011 (Happy Soup), puis m’a expliqué le plaisir, jugé sur un cygne en plastique, au bord d’une piscine ou d’un océan, le torse une nouvelle fois apparent « It ‘s a pleasure » (2014). Enfin il a jugé utile de se présenter en smoking blanc en 2017, pour jouer au Prince, en haut d’une dune de chagrin d’amour et de larmes « Prince of Tears ». Depuis il ne quitte plus le 3 pièces, mais le temps passe, les nuits défilent, les tempes grisonnent et Baxter m’accompagne de plus en plus.
« The night Chancers » marquent une première étape. Le costume blanc triomphant à Miami n’était qu’apparence, à croire que le type était fait de porcelaine, le tissu commence à virer au gris, lui aussi. Le personnage passe de doux crooner, un peu réservé, au type qui ne se laisse plus faire. Il serre les dents et porte la chaîne autour du cou.
Le titre « Slumlord » marque la transformation physique. « I’m the Milky Bar kid, Soiled trousers » (Je suis le gamin du Milky Bar,Pantalon sale) et le costume devient gris, sale, et Baxter transpire dans son marcel blanc, le cheveux gras, une dent en or sur ce sourire forcé. Au fur et à mesure que le groove de cette chanson fait danser Baxter, un nouveau personnage se présente à nous, le geste est précis et la maîtrise de ce qui ressemble à un art martial offensif ou défensif fait évoluer le crooner. Il a pris des coups et se défend il associe le dansant et le cynique. Le tai-chi-chuan, cet art martial chinois est une gymnastique de santé et si j’en parle c’est que Baxter Dury nous en a servi à toutes la sauces ce vendredi 06 octobre en concert au MEM à Rennes ou il nous présentait son dernier album
«I thought I was better than you ».
Troublant ou attachant ? les avis sont partagés. Pour ma part, le costume enfilé ce soir n’a pas entaché la prestation du dandy britannique qui avec ses 3 musiciens nous a régalé d’un concert d’1h 30. Mais remontons le temps et laissez-moi vous conter ce concert où l’ami Baxter a su séduire par son talent un public de connaisseurs, ou simplement de curieux venu rencontrer sous ce magnifique chapiteau, l’artiste programmé ce soir par l’association CPPC (Centre de Production des Paroles Contemporaines).
Celle-ci gère également le festival Mythos et produit des spectacles à Rennes. Ouvert en mai 2019, Le MeM s’est installé sur le site naturel de La Piverdière, sur les bords de Vilaine. Même s’il est indiqué que vous pouvez y venir à pied ou à vélo, c’est bien motorisé et accompagné d’un fidèle auditeur que j’arrive, finalement, à trouver la structure et son parking bucolique. Il n’est que 19h, mais la faim étant la 3ème priorité du spectateur (après la soif et ce qui en découle), une importante queue de spectateurs s’étend devant la caravane food truck. Nous travaillons sur nos réserves, mon ami et moi, et avec une bière bue en éclaireur aux encablures du stade de la Route de Lorient, nous arrivons rapidement en pied de scène.
Je possède le précieux sésame m’accréditant à prendre des photos ce soir (Merci au passage à Lucie). C’est donc, l’œil dans l’objectif, que j’assiste à la 1ere partie assurée par le groupe Ttrruuces. Leur « Truc » à eux est un projet psyché pop alternatif, que ce jeune duo franco-anglais Jules Apollinaire et Natalie Findlay a décliné en « opéra rock ». Mélangent des riffs rock’n’roll des années 60 et 70, du disco et de la pop moderne 2023, les deux amis accompagnés sur scène de Violeta Vicci au violon, Ben Simon à la basse et Connor Burnside à la batterie ont rapidement réchauffé l’assistance avec leurs mélodies pétillantes et énergiques et quelques nouveaux morceaux issus de leur deuxième album JJUUIICES qui sortira le 20 octobre prochain. Un œil pétillant, une oreille éveillée, me voilà paré pour camper au 1er rang en attendant Baxter.
20h30, 1ère surprise. J’attendais l’australienne Madelaine Hart, partenaire de Dury depuis une dizaine d’années et c’est la française Fabienne Débarre du groupe We Were Evergreen qui se présente à nous pour l’accompagner au chant et assurer la partie clavier. Baxter ayant toujours su s’entourer de femme de talent, une nouvelle fois, le contrechant féminin à la voix rugueuse et incisive de l’anglais, fera merveille. Les musiciens qui l’accompagnent régulièrement sont là ce soir Damon Reece à la batterie et Lewis Wharton à la basse (et parfois un peu de guitare électrique avec Mme bandes).
Baxter Dury a perdu au passage un guitariste et ne jouera d’aucun instrument ce soir, si ce n’est l’épaulée jetée du pied de micro. C’est parti pour la psychanalyse individuelle puis collective avec le titre « So Much Money », première piste du dernier album aux paroles révélatrices de la rédemption entamée par le crooner, fils de Ian.
Hey mummy, hey daddy Who am I? Who am I, mummy? Who am I? Who am I? Who? Who am I? Daddy? Daddy…
Baxter n’est pas près de percer le mystère ce soir, il n’aura pas toutes les réponses, il va égrener les titres en remontant le temps de ses albums. D’abord entrainants et joyeux “Leak at the Disco”, “Isabel” puis plus suggestifs et revendicatifs « Im not your dogs » et “The Night Chancers”.
L’artiste au regard cabot, à ce soir du mordant, il serre déjà les dents et attaque dès les premières minutes du show sa fameuse gymnastique de santé. La trilogie suivante est remarquable et porte au firmament la transformation musicale de l’artiste et de ses musiciens “Pale White Nissan”, “Slumlord”, “Crashes“. On vire RnB, hiphop, chaîne au cou et texte slamé.
« Ce type est un génie » m’avait déclaré l’auditeur passionné il y a cela 2 ans, devant la prestation de l’artiste à la Route du Rock.
Ce soir, je ne le contrarierai pas. J’observe le dandy quinqua arpenter la scène avec son costume gris et sa chemise sans manches, vite trempée et orpheline de cette veste tombée au front.
J’observe son visage et je vois un enfant. Mon fils, à 9 ans, grimaçant, gesticulant comme un pantin et faisant marrer ses copains. « What you like about me” chante t’il sur “Slumlord”.
Tout, et surtout cette folie, cette énergie qui ce soir n’est pas de l’arrogance, mais plus une marque de liberté et de classe. Oui ! la suite du concert ne sera que succession de titres fantastiques en partie piochés dans l’album que je préfère : « Prince of Tears ».
“ Almond Milk “, même sans Jason, me met l’eau (le lait) à la bouche. “Oi”, “Aylesbury Boy” et son diablotin tout droit sorti du dernier album, “Pleasure”.
Le diable s’habille en Prada et Baxter lui se grime en samouraï, le bandeau, un moment égaré, serré autour du front.
“Palm Trees” et “Miami” concluent le concert en célébration à l’instrument qui rythme cette musique addictive : un ostinato à la basse qui vous reste en tête plusieurs jours.
Bien sûr le public n’est pas rassasié, il y a bien longtemps qu’il danse sur ces rythmes entrainants, il ne va pas tarder à crier lorsque le maestro le lui demandera. Pas besoin de poudre magique pour ça ! La fête est belle “Here comes the cocaine man” et nous dansons pendant que Baxter chasse les démons un masque lumineux sur son visage. Nous sommes tous d’accord pour célébrer le fils de sur “Celebrate Me”, consoler le bonhomme “Prince Of Tears. Un peu moins unanime sur le titre champion des écoutes Spotify “(Baxter) These Are My Friends” et ces 11 Millions d’écoute, mais finalement des privilégiés, avec “Shadow” concluant ce concert.
Baxter cherche des ami-es, il n’est pas prêt pour cela à masquer totalement son identité, ses dualités, sa fragilité. « I love You » nous crie-t-il, en fin de concert, arborant un merveilleux sourire de quinqua.
Nous aussi ! et n’oubliez pas que pour le Rock and Roll, « You are better than us ».