Les indisciplinées, Lorient 03/11/2022 Vol au-dessus d’un nid de coup-coups.
Une question me taraudait en arrivant à la salle l’Hydrophone à Lorient en cette soirée pluvieuse de novembre. Faut t-il une basse dans la cour des groupes de Rocks en 2022 (question légitime vu ma grande expérience de 3 semaines de pratique du noble instrument) ? La réponse est évidemment variable suivant l’attente du spectateur et le type de soirée proposée. Ce Jeudi soir, au second jour du festival Les IndisciplinéEs, « la musique actuelle » entendue aurait des sonorités guitares rageuses, des envolées psychédéliques voir des attaques shoegaze avec ou sans bassistes ?
Le vent soufflait tempête et le festivalier en file indienne ne formait pas cette chaine humaine généralement impressionnante au démarrage d’un festival de cette qualité. » ça sonnera mieux quand il y aura du monde « , blague ou interrogation de régisseur à 20 h à l’ouverture des portes ?
Patience, faisons confiance au livret de programmation. On nous promet de « partir à la conquête de nouvelles altitudes, de découvrir des panoramas inédits ». On nous parle « d’ivresse, de perceptions troublées et troublantes, de plénitude ». La bande son est proposée par l’association MAPL (Musiques d’Aujourd’hui au Pays de Lorient) depuis 2006 alors pas d’inquiétude ! 16 ans c’est un âge où on commence à sortir de l’adolescence et ou tous les rêves sont encore permis ! C’est juste un peu plus jeune que les membres du premier groupe attendue ce soir les Stuffed Foxes.
Stuffed Foxes.
Cette bande de « vingtenaires » tout droit venue de leur campagne «Tourangelle» vont remuer la salle et faire de cette entrée en matière la partie gagnante du show de ce soir. Pas question de traiter cette bande de copains de « gamins », il suffit d’observer leur maturité musicale et leur audace scénique. C’est pourtant la réalité de leur âge et ça force le respect.
Ils sont 6 sur scènes dont 3 (voir 4) guitaristes et 1 bassiste. Ils se sont connus au collège et au lycée et font de la musique depuis. Le bel âge ! où à force de travail et de talent on finit par accéder au graal « d’intermittent du spectacle » comme me le dira Simon Lépinay le bassiste rencontré au Merchandising des artistes après concert. Vivre de la musique et faire « vi-brer » le public quelle belle ambition.
4 guitares, une basse.
C’est l’énergie sautillante de notre bande de copains, et des riffs de guitare fulgurantes qui vont produire ce résultat. Et ils ne s’en privent pas tout au long d’un set de 45 minutes. Aucune interruption, de longues balades sonores, agrémentées du chant hurlant de Léo Howard ou de la voix plus posée d’Antoine Ferragu. Peu de bla-bla, mais un rythme endiablé et de multiples sauts.
Ce sont ceux de Simon, le discret bassiste planqué derrière les autres, qui m’impressionneront le plus. Des sauts de cabri volant au-dessus d’un nid de coup-coups assénés par Brice Cadouot qui rythme le tempo. Rien que pour cela, je suis déjà tenté de répondre par l’affirmatif à ma première question sur la nécessité d’une basse dans la cour du Rock.
Pour des renards empaillés, « Stuffed Foxes » bouge beaucoup ! La ressemblance avec le mouton, du fait des cheveux longs et frisés de Simon et de Léo aurait pu conduire à un nom de scène différent, mais ce soir cette digression, me fait simplement dire qu’au sein du pré carré de la relève du rock français ces renards ont une place déjà méritée.
Pas de setlist de fin de concert. Ils n’en ont pas ! alors il est tentant de dire que les Stuffed Fox nous ont régalé des titres de leur 1er album “Songs/Revolving”, sortit début 2022 et de leur prochain, « Songs/Motion Return » attendu pour le 18 novembre prochain.
Tramhaus
1ère pause salvatrice, en attendant le 2nd groupe les hollandais de Tramhaus. Notre régisseur avait retrouvé le sourire, la salle était au ¾ pleine. Quant à nous, nous avions déjà eu l’occasion de croiser Tramhaus, au festival LA SUPER CATHÉDRALE de Binic cet été, et l’impression avait déjà été très bonne.
Ce soir ils vont conforter notre envie de suivre ce groupe en devenir sur la scène Post Punk. Originaire de Rotterdam les jeunes artistes (eux aussi), font déjà preuve d’un sens mélodique et de compositions ciselées dignes de leur ainés les Viagra boys. Ce n’est pas pour rien que jean Yves, fan invétéré, les avait repérés dès la sortie de leur 1er LP (en cassette !). Ce soir il les attendait avec engouement et ne sera pas déçu .
Julia Vroegh (et oui encore une basse), Jim Luijten (batterie), Micha Zaat (guitare), Nadya van Osnabrugge (guitare) et Lukas Jansen (chant) jouent une musique enflammée, fiévreuse et entrainante sur laquelle on oserait presque danser ! c’est bien cela que nous propose le quintet en nous invitant justement à danser ou à faire du Yoga. Le résultat sera obtenu : plusieurs personnes expriment ce lâcher-prise bien mérité en dansant sur le titre « Make It Happen » joué en fin de set.
Ils sont sympathiques nos musiciens bataves. Lukas le chanteur arbore toujours cette coupe mulet, à rendre jaloux une queue de renard, et chante dans un petit microphone tout droit venu des années 80 (et le fameux enregistrement cassette de Jean Yves !). Le set est nerveux, l’attitude rageuse sans être agressive. On sent un front-man exalté et un groupe en ascension, heureux d’être là, au rendez-vous eux aussi, d’un concert réussi. La ligne de basse est très présente et une nouvelle fois se marie à merveille avec les guitares : 2 à Zéro pour le match avec ou sans basse !
Jon Spencer.
Après plus de 30 ans de carrière, le Jon Spencer Blues Explosion a tiré sa révérence. Le groupe de punk blues ayant sorti son 10eme album en 2015, il était fort probable que Jon Spencer n’en reste pas là. C’est chose faite en 2022, quand accolé au « The HITmakers », notre américain de cœur, maître des guitares fuzz, poursuit l’aventure et sort son album : « Spencer Gets It Lit ».
Ils sont 4 sur scène, positionnés au plus près de la fosse. A gauche un grand gaillard au cheveux longs et gris. Désolé, mais de loin, il ressemble à un serial killer ! Il ressemble à Jay Mascis le chanteur des Dinosaur Junior (ou senior ?), la casquette en moins mais les mitaines « still » en plus. Des gants de tronçonneur, un marteau mais pas de faucille (OUF) ! Et il tape sur des bidons, des réservoirs d’essence des couvercles en métal. Excusez-moi, je n’avais pas reconnu Robert Bertelli, mieux connu sous le nom de Bob Bert, le batteur américain qui s’est fait connaître avec le groupe de rock alternatif Sonic Youth au début des années 1980. Excusez du peu!
A sa droite Sam Coomes claviériste et chanteur dans le groupe underground américain « Quasi »,qui extrait des notes tordues de son synthétiseur Farfisa paré d’un autocollant « Warning » annonciateur d’un danger de surplus d’électro-boogie ? A l’arrière le batteur Mike Sord est plus classique. Au centre Jon, incarnation du rock’n’roll-blues sauvage, sensuel et incendiaire.
Un show Spenceresque ?
Ce soir on attend de ce chanteur « arty », un mélange d’énergie brute de fusion groove, du punk blues.
On ne sera pas déçu (au moins par les lumières bleue’s). Il avait déjà assuré le show, Jon, quand à l’heure de l’apéro d’avant concert, il avait clamé au public son amour pour la musique et la liberté. On le sentait déjà très impatient d’en découdre. Ce soir pour celui qui ne le connait pas très bien (j’en fait partie), son entrée sur scène est marquée par l’aisance caractéristique des bêtes de , des cadors au physique Rock.
Il ressemble un peu à Simon Gallup notre cher bassiste des Cure. Le regard est approfondi par une ligne de trait de maquillage noire, le cheveux est Black et interroge sur l’âge du bonhomme (en comparaison avec ma propre tignasse !). La ligne vestimentaire suit la couleur sombre du rock (chemise et pantalon noire). Le jeu de guitare, debout, accroupi, en arrière, caractérise le très bon musicien qu’il est et ne trahit pas une nouvelle fois son âge respectable (57 ans). On démarre fort.
Oui mais très vite une évidence me saute aux yeux, il n’y a pas de basse dans ce groupe ? Il manque une ligne !
Alors oui, ça fuzz, ça cogne, ça groove, ça plait au public pendant les 13 premiers morceaux dont le reconnaissable « junk man », mais pour moi (humblement), il manque un petit quelque chose, juste une ligne de …
Cette musique je l’attendais plus « crade » peut être.
Sans basse.
Alors, je prends un peu de recul et me réfugie en fond de salle. De là, les lumières rouges omniprésentes, révèlent une fin de set plus explosive Jon et ses Hitmakers mettent véritablement le feu aux poudres et font décoller les premiers slamers de la soirée. Le concert se termine rapidement et le public satisfait regagne la sortie de salle, sourires aux lèvres, conscient d’avoir partagé une belle soirée entre jeunesse et expérience.
On n’est pas obligé de dire ce que l’on a préféré, on peut simplement vivre l’instant présent et se dire que très vite on remettra le couvert pour un prochain Live explosif seul ou bien accompagné (merci à cette belle famille qui danse), avec ou sans bassiste (vous avez compris ma préférence) !