L’Hydrophone : Party Dozen / Protomartyr / Tropical Fuck Storm 15 Septembre 2022
Une tempête tropicale dans un verre à Whisky
C’est presque la fin de l’été, la fin des festivals et de ces rassemblements ! Septembre le mois de la rentrée. Faut-il pour autant accuser le coup ? Pas sûr, car l’amateur de musique live que je suis peut se réjouir de l’ouverture des saisons culturelles des salles de spectacle. Et de concerts de la trempe de ceux de Party Dozen, Protomartyr et Tropical Fuck Storm.
Nous avons la chance en Bretagne d’avoir plusieurs salles. À Brest, Morlaix, St Brieuc, Rennes mais aussi plus au Sud, à Lorient. Le Sud, ou c’est bien connu, il fait toujours beau ! Alors ce soir, ça me dit de prolonger l’été direction Lorient pour un voyage en terre australe.
L’hydrophone.
L’hydrophone, quel joli nom pour cette scène de musique actuelle installée dans l’ancienne base de sous-marins, dans l’une des nefs du blockhaus K2. l’Hydrophone, en référence au micro du même nom utilisé pour enregistrer sous l’eau. La salle ouverte en 2019 soigne autant son esthétique que son acoustique. L’épaisseur des murs garantit la qualité du son. 4 m de béton armé tout de même ! dans son « jus d’époque » agrémenté de bois et des toutes dernières technologies. Une boîte dans son écrin. Un bijou précieux d’où le son ne s’échappe pas mais délecte les spectateurs avides.
Une petite salle (250 places), une plus grande (500 places) et des espaces d’échange et d’exposition. L’hydrophone se voulant un outil communautaire au service de la musique et des artistes, cinq studios d’enregistrement et de répétition complètent l’équipement géré pour le compte de Lorient Agglomération par l’association MAPL (Musiques d’Aujourd’hui au Pays de Lorient). C’est à cette même association que nous devons notamment le « festival des Indisciplinées » à venir en Novembre, des concerts toute l’année et l’accompagnement de groupes.
3 groupes.
La présentation est faite, le lieu décrit. Le voyage que nous propose l’association ce soir répond à mes envies de prolongement d’été. Il est même dit qu’une chaleur tropicale est attendue. Ce n’est pas moi qui l’affirme c’est écrit dans leur programme : un plateau de fous pour lancer la saison des concerts intra-muros.
Laissons nous porter.
20h45 la soirée commence avec les australien de Party Dozen. Tout droit débarqué de Sidney, le duo composé de Kirsty Tickle (saxophone) et de Jonathan Boulet (percussions et sampler) assure la première partie de soirée. Les Kangourous sont dans la place !
Démonstration musicale.
Les percussions de Jonathan entament chaque morceau, très vite complétées par le saxophone de Kirsty. Sautillante, comme l’animal emblème de la terre australe, elle souffle dans son saxo ou fait écho de sa voix dans l’instrument renversé. Peu de chant ou de textes, ce sont plus les effets combinés des instruments, complétés par des samples de guitares, qui nourrissent le projet musical.
L’énergie est là, la mélodie parfois écorchée reste présente et le set qu’on pourrait qualifier de post-punk et de free jazz se déroule sans anicroche. L’animal avait dans sa poche son troisième album « The Real Work » sorti cet été, sur le label new-yorkais Temporary Residence Ltd. Dommage tout de même qu’il n’est pas voyagé avec le roi du Pays, Nick Cave, qui improvise une contribution mémorable en studio sur le puissant morceau “Macca The Mutt”.
Deuxième vague.
22h , un autre voyage nous attend, avec les américains de Protomartyr. Bizarrement, je les attendais en tête d’affiche. Le groupe de post-punk originaire de Détroit dans le Michigan peut s’enorgueillir de ces 5 albums, et de ses 15 ans d’existence. Mais ce n’est pas le genre de Joe Casey, le leader du groupe, qui, accompagné de Greg Ahee à la guitare, Alex Leonard à la batterie et Scott Davidson à la guitare basse, se présente humblement à un public particulièrement attentif.
Costume noir, verre de whisky à la main Joe Casey prépare le terrain et dépose ses munitions, 4 bouteilles de bière, parfaitement alignées au pied de la batterie de son compère. On sent déjà la présence de l’artiste habité, connu pour ses qualités d’écriture et sa musique remplie de tension.
C’est avec le morceau “Day Without End » que le concert commence. Et nous voilà déjà plongé dans un mélange de colère ou de douleur, qui ne quittera pas le set. Au fur et à mesure que les morceaux avancent, la tension progresse, portée par les lignes de basse prononcées de Scott et les riffs solitaires très puissants de Greg Ahee. Joe ne sourit pas, il martèle de sa voix singulière ses textes et ses mots qui doivent frapper « Michigan hammer ».
Un sourire !
La set list est presque la même que celle jouée à Paris la veille à « la Maroquinerie ». Occasion pour nous spectateurs d’apprécier d’autant plus la qualité de la programmation musicale proposée par l’association MAPL dans cette salle. Les titres s’enchaînent, les bières sont bues, l’artiste reste sur le même registre, mais derrière cette réserve apparente, une voix mélodieuse accompagne de très beaux morceaux comme « Night-Blooming Cereus » ou « Winsdor hum ».
Oui je l’ai vu sourire !, peut-être au moment où Joe accroche à sa boutonnière une fleur d’hortensia offerte par une spectatrice répétant les paroles en fan inconditionnel. Les mots ont un sens pour ces trois jeunes américains (ou australiens) maîtrisant la langue et se permettant le slam de la soirée. Nous on ne les comprend pas tout à fait mais après 12 titres, on comprend qu’il est déjà temps de leur dire au revoir, même si on n’aime pas cela, en référence au morceau « Worm in Heaven » « So it’s time to say goodbye I was never too keen on last words”
« Alors il est temps de dire au revoir, je n’ai jamais trop aimé les derniers mots »
Tropical Fuck Storm.
23h15 On termine cette très jolie soirée avec le groupe attendu Tropical Fuck Storm. Les australiens quittent leur terre australe pour la première fois depuis 2019 et partent à l’assaut des salles de l’hémisphère nord en interprétant des chansons de leurs 3 albums A Laughing Death In Meatspace (2018), Braindrops (2019) et Deep States (2021).
Le groupe est précédé d’une solide réputation. De celle à vous « effrayer » tant il est attendu que l’on ressorte de cette confrontation lessivé, retourné mais heureux. Doux présage, heureuse découverte. Le chaos annoncé, émanant de ce mélange de style musical acid- punk, disco sauvage, s’est transformé en un concert envoutant et jamais ennuyeux.
Derrière une apparence déstructurée , détonante, au bord de l’explosion le groupe joue 8 titres pour une prestation d’1 heure ( calculez la durée des morceaux). Et ça fait plus que le job au grand dam des aficionados de la structure musicale et du solfège.
Du métier.
La complicité entre les 4 musiciens est visible. Le leader Gareth Liddiard, pieds nus et coupe mulet, extrait de sa guitare des sons et des effets singuliers. Ceux-ci s’entremêlent à merveille avec la basse de sa compagne Fiona Kitschin, robe en strass noir et cheveux dans le vent (début d’une tempête ?). Les autres membres du groupe ont adopté un style vestimentaire plus sportif : short de sport noir sur socquettes roses pour la guitariste Erica Dunn et maillot de foot pour Lauren Hammel. La percussionniste tatouée adoptera un jeu de frappe puissant et rythmé du début à la fin du concert.
Le son des guitares distordu, souvent nerveux, est contrebalancé par la voix de Gareth et les chants accompagnés d’Erica et de Fiona. Les morceaux se succèdent et loin des pogos censés m’effrayer, c’est avec une reprise disco-punk des Bee gees « Stayin Alive » que se poursuit le set.
Les Tropical Fuck Storm possèdent le feu sacré de la scène et si à la fin il ne doit en rester qu’un, c’est Gareth qui terminera la prestation assis par terre, jouant de la guitare ou du larsen à l’aide d’un mécanisme de boîte à musique posée sur ses cordes. Voilà c’était la première tempête de l’automne à venir. Non pas un ouragan, mais une tempête tropicale dans un verre à Whisky. Et ce fut bon. On en redemande . Rendez vous en Novembre pour le festival « Les indisciplinés » qui se tiendra dans cette très belle salle de l’Hydrophone.