VIEILLES CHARRUES 14 Juillet 2023
Carhaix, du 13 au 17 juillet 2023
Live-report rédigé par Fabrice Droual le 15 juillet 2023
Rendez vous en terre inconnue. Ou plutôt en terre connue, la Bretagne, pour cette échappée « nationale » autour du week-end du 14 Juillet. Pétards mouillés (bulletin météo à venir), mais gros pétards pour le plus grand festival de France, devant les métalleux du Hellfest. Le festival breton est devenu un incontournable en France. En effet, chaque année, ce sont près de 280 000 festivaliers qui se donnent rendez-vous sur la prairie de Kerampuilh, à Carhaix. De l’électro, du rock ou du rap, il y en a pour tous les goûts ! Du bon et du mauvais, voire du très mauvais.
Cette année, soixante-douze artistes sont attendus. Parmi eux, on peut compter les Red Hot Chill Peppers, Robbie Williams, Bigflo & Oli, Rosalia ou encore Lomepal et bien entendu nos chouchous Blur. Une affiche fête foraine où, avec ma vraie barbe à papa (teinte « papy »), je vais tenter de démêler le vrai du faux, les bons et les mauvais sons dans cette ambiance rose et bleue aux couleurs d’une jeunesse en quête de fête. Une fois qu’on a dit cela, on peut se poser la question du parcours initiatique à emprunter. Jouvence ou cure sonore pour oreilles fragiles ? Scène interdite au plus de 18 ans ou plateau fruit de mer pour quinqua allergique à la petite crevette ? Tous les goûts sont dans la nature et, à force de tout organiser, on finit par perdre son innocence. Alors au petit bonheur la chance avec un planning tout de même travaillé au minimum.
C’est déjà la 31ème édition du petit festival devenu grand. A titre personnel, je dirai que c’est la 20ème fois que je traine mon jean ou mon short, suivant les caprices météorologiques, pour assister in situ à la transformation d’un gros bourg du centre Finistère en une capitale musicale. Un rassemblement de 6000 bénévoles entourés de 44 000 spectateurs assistant sur trois, puis quatre et einf cinq jours aux 72 concerts de cette édition. Un marathon musical, avec stands de ravitaillement bières Coreff ou IPA tous les dix mètres et fête à la saucisse et à la tartiflette entre les deux. Du merch, du cash, du champagne, une grande roue et de quoi s’envoyer en l’air avec les terribles flying chairs. Vue globale du site incroyable, parait-il ! Ne jetez plus les dés, les jeux sont faits. Le tout avec le sourire de votre serviteur et des gentil (les) bénévoles, Disneyland 100% associatif pour un budget de 24 millions d’Euros tout de même. Dans un contexte culturel encore fragile, qui a dû se redresser après la crise du COVID et l’inflation, les organisateurs se félicitent du maintien du prix du billet journée au prix de 44€, l’association Vieilles Charrues sortant de sa poche les 15€ supplémentaires qui s’imposaient. Merci à eux !
Le temps de trouver le parking, juste derrière la gigantesque scène Glenmor, et me voilà rentré sur la prairie verte de Kerampuilh. Puile à l’heure pour attaquer les réjouissances ! C’est au chanteur belge Pierre de Maere qu’il revient de poser la première brique sur le mur du Festival avec son single d’or Un Jour Je Marierai Un Ange. Dandy moderne dans son beau costume Gucci rouge coquelicot, extravagant chic aux lunettes de soleil 80’s, il appartient à cette génération qui ne s’encombre pas des classifications et crée une musique à son image : flamboyante, colorée, en pleine mutation. Ce sont eux les nouveaux chouchous des festivaliers, tant pis pour les anciens ! Il est heureux d’être là et ça s’entend.
Pas le temps d’écouter le set en longueur. J’ai choisi de rejoindre le groupe batave Tramhaus, fier représentant d’un peuple adepte des riffs puissants du post-punk made in Rotterdam. C’est sous le chapiteau de la Scène Gwernig que je retrouve donc ces cinq-là pour quarante-cinq minutes courtes mais intenses d’expériences sonores hypnotiques inspirées par Viagra Boys et Pissed Jeans. Entre guitares éreintantes et jeu de batterie impulsif, j’apprécie la progression constante de ce groupe depuis la sortie de son premier album Rotterdam.
A Glenmor, un nouveau groupe a déjà entamé son set à l’heure où on devrait prendre notre goûter. Les pionniers de la scène trip-hop anglaise, Morcheeba, font leur grand retour avec un dixième album, Blackest Blue, sorti en 2021. On retrouve avec plaisir Ross Godfrey ainsi que la chanteuse Skye Edwards. Et dire que cela fait déjà vingt-sept ans que les titres de leur premier album Who Can You Trust? suivi de Big Calm nous enchantent les oreilles ! Skye est toujours aussi gracieuse, chapeau de feutre vissée sur la tête. On entend les célèbres tubes du groupe comme Otherwise, The Sea, ou encore Rome Wasn’t Built In A Day mais aussi les nouveaux morceaux de leur dernier LP. Mélange astucieux de downtempo, trip-hop, rhythm and blues et pop, l’album marque à la fois une nouvelle approche, plus organique, ainsi qu’un retour aux joyeux mélanges de genres des débuts. Joli succès pour Skye qui nous présente en fin de concert les petits nouveaux du groupe, dont le batteur, qui la suit depuis ses débuts, puisque c’est son fils !
C’est avec le groupe français Hyphen Hyphen que je choisis de poursuivre cette première journée. Le trio niçois revient avec un troisième album, C’est la Vie, et nous révèle sur scène une pop sensible, dansante (quel que soit son âge) toujours portée par la belle voix reconnaissable de Santa. Sous les deux traits de maquillage fièrement dessinés sur le haut des pommettes se cachent une belle énergie chez cet « encore » jeune groupe qui revenait aux Vieilles charrues sept ans après leur premier passage. Un slam parfaitement réussi de Santa, sur la fin de set, et voilà nos quatre Niçois comblés. Finalement, le quinqua que je suis apprécie cette « salade niçoise » qui me met en appétit.
Difficile de résister à l’appel du repas après ces rites tribaux. Il est temps d’aller chasser la frite et le sandwich. La température est suffisamment propice pour ne pas avoir fait tourner la mayonnaise et, n’ayant pas non plus envie de faire tourner les serviettes, je boycotte le concert de Bigflo et Oli.
C’est avec Maxwell Farrington, mon voisin de Binic, et Le Superhomard, l’Avignonnais Christophe Vaillant, que je savoure ma digestion, en toute décontraction avec cette pop franco-australienne chic, décalée et souvent lumineuse. La voix du crooner et la guitare de christophe nous aident à oublier la déception de l’annulation du concert de The WAEVE pour lesquels j’aurai réservé une travée entière de gradins, histoire de me balader du côté de leur album magnifique sorti en 2023. Tant pis pour eux ! Les applaudissements qui étaient prévu pour Graham Coxon et Rose Elinor Dougall iront à Maxwell et son vaillant Homard, et ils ne l’ont pas volé.
Suit Disiz, sur la scène Kerouac. Revenu en mars 2022 avec son nouvel album L’Amour, Disiz, ex-La Peste, ex-Peter Punk, nous livre une prestation que les plus de vingt ans ne peuvent pas connaître. J’ai peur de devoir réutiliser cette expression désuète, mais musicale, assez régulièrement pour le festival des Vieilles Charrues, tant la programmation colle à l’air du temps mais pas à la couleur de mes tempes.
Tiens, un nouveau voyage dans le temps pour finir (ou presque) cette soirée : Robert Peter Williams, dit Robbie Williams. L’ex-membre du groupe Take That des années 90 chante en solo depuis plus de trente ans. Toujours aussi affûté, le crooner anglais, roi de la pop, a vendu plus de 80 millions d’albums à travers le monde. Phénix aux mille vies, le bel âtre musclé et tatoué se doit d’enflammer le public de Kerampuilh pour son retour et la sortie récente d’une compilation appelée 25. Une carrière riche de quatorze albums studio dans des styles rock et parfois jazz ou swing. Une présence médiatique, des tournées de stades à guichets fermés, dix-sept Brit Awards, une ouverture de coupe du monde en 2018 et un passage à la Star Academy sur TF1 en 2022, voilà de quoi remplir un CV pour ce champion noctambule.
Verdict ? C’est Hollywood ! C’est Las Vegas qui débarque en Centre Bretagne ! Il en a fallu des cars pour convoyer tout ce joli petit monde. Drapé dans son costume à paillettes, le King Robbie va nous livrer près de deux heures de show à l’américaine. Huit danseuses, huit musiciens, un crooner, effets vidéo, lasers, lumières multicolores… C’est « Robbie et la chocolaterie », avec trois tickets d’or à gagner et des spectateurs aux anges quand tout à tour il les choisit pour chanter un hommage à leurs enfants, ou prendre à témoin « Stéphane », le second gagnant du soir. C’est un heureux spectateur qui verra son visage sur grand écran pour plusieurs minutes de monologues et d’épanchements psychologiques entremêlés d’images du boys band et des fesses de Robbie made-in 90. Ce dernier nous explique, en showman qu’il est, sa carrière, les inquiétudes de sa maman pour la santé de son petit gars, ses démons, ses réussites, sa vie en fait ! Le plus important c’est qu’il n’oublie pas de chanter entre deux discours et la voix est intacte et nous fait penser successivement au King, à Sir Elton ou à feu Freddie Mercury. L’Angleterre a cela de magique, c’est qu’elle enfante des voix magnifiques. Et comme si cela ne suffisait pas, entre les titres Angels, Feel, Supreme ou Rock DJ, c’est une reprise célèbre d’Oasis qui fait se lever les mains du public vers le ciel.
Et que dire de ce dernier moment de grâce, quand la chanceuse gagnante du super Ticket Or, Marianne, fan de Robbie jusque dans le tee-shirt, se voit passer en vedette l’audition de la love parade avec son héros qui lui chante les yeux dans les yeux She’s The One. Quel charmeur ! Quelle générosité pour ce robin des bois qui a su trouver sa Maid Marian. C’est bien lui Robbie The King of Kerampuilh. Chapeau Monsieur !
Minuit est passé, nous sommes le 14 juillet et Petit Biscuit est de retour ! Après un break à la suite de son album Parachute en 2020, le producteur rouennais enflamme de nouveau la scène lors de ses shows mêlant musique électronique, musique du monde et pop. Il entame les « afters Vieilles Charrues » pour cette jeunesse restée en foule, attirée par les shows lumineux et l’énergie de cette musique qui vous porte jusqu’au bout de la nuit.
Pour moi, il est déjà grand temps de quitter la fête foraine, si je veux tenir sur la distance. Dans 22h, Blur jouent sur la scène principale !
Crédit Photos Fabrice Droual