VIEILLES CHARRUES 14 Juillet 2023
Carhaix, du 13 au 17 juillet 2023
Live-report rédigé par Fabrice Droual le 16 juillet 2023
Seconde journée au plus grand festival de France, les Vieilles Charrues 2023, 31ème édition. Nous sommes le 14 juillet et c’est l’été. Les coureurs du tour de France entament leur 13eme étape avec 138 km de montagne sous le cagnard et moi mes 18 000 pas sous un ciel des plus menaçants. A chacun son sport ! Le mollet du rocker s’inclinant respectueusement devant celui du cycliste. C’est en tribu, ma chère et mes ami(es), que nous nous rassemblons au pied de la montagne Glemnor, au taquet pour attaquer le versant sud de cette cathédrale qui devrait accueillir triomphalement le groupe Blur en milieu de soirée. Monsieur Météo avait vu juste, c’est le déluge. Pas de bol, il ne pleut jamais en Bretagne, sauf sur les c… Je me replie à l’espace média pour profiter des belles infrastructures mises à disposition de la presse par les Vieilles Charrues et regarder sur écran TV l’arrivée du tour, euh des groupes !
On commence par ce qui fait le charme de ce festival, l’éclectisme et le voyage musical. On part du continent africain avec Lass, on revient en Pays Celte avec le collectif The Celtic Social Club et on repart pour une première expérience rap avec Gazo et sa voix éraillée, grave, et menaçante. Elle est aussi l’une des plus en vue de la vague drill française, sous-genre rap où le Parisien excelle avec des textes qui reflètent le quotidien difficile dans la rue et des ambiances crépusculaires. Punchlines imparables et instrus intrigantes nourrissent ce set. A vrai dire je n’y comprends pas grand-chose. J’observe que le beau costume Gucci rouge de Pierre De Maere s’est transformé en survêtement Nike, Crocs sur chaussettes blanches et chaine en or. Autre style, même époque ? En tous cas le très jeune public prend son pied, alors que la pluie redouble et que les bottes en caoutchouc auraient été plus appropriées à porter.
Un petit tour par la scène Grall pour écouter SBRBS, le plus british des groupes bretons du moment, qui nous propose un rock puissant et nerveux. Marie Herbault et Hadrien Benazet, accompagnés de Franck à la batterie voient la vie en rose depuis quelques mois, à la couleur de leurs cheveux cet après-midi. La promotion label Vieilles Charrues aidant ce jeune groupe à se développer.
19h30 : attention on change de braquet, la queen Aya Nakamura est attendue sur la scène Glemnor. C’est l’artiste française la plus écoutée dans le monde. Moi, je ne la connais pas du tout ! Et j’observe, intrigué, la Diva aux succès planétaires. Il faut dire que sa musique semble universelle et que sa voix porte à des kilomètres. Je ne me laisse pas impressionner. Ce n’est pas ma came, contrairement à la jeunesse qui s’enflamme pendant plus d’une heure.
Il est temps pour moi de migrer du côté de la scène Grall. L’espace qui accueille la troisième scène est plus petit, mais cela est relatif à la vue du gigantisme ambiant. Le plateau habituellement musique électronique de cette partie du festival va retrouver ses lettres de noblesse avec le groupe Agar Agar et sa pop électro. Le duo composé de Clara Cappagli et Armand Bultheel revient avec son nouvel album Player Non Player. Album réel pour aventure virtuelle autour d’un jeu vidéo développé par Jonathan Coryn. On y parle tour à tour de l’intrusion dans l’intimité, du besoin de s’échapper des frontières finies, ou encore de dragons. Une scénographie signée Alexandre Kontini prolonge l’expérience dans les concerts. Tout un univers, transcendé par la lumière du soleil retrouvé et l’ingénieuse créativité du duo parisien. Souvent magnifique, ce set me permet de découvrir de nouveaux titres et d’apprécier la très jolie voix de Clara.
Ces conditions m’ayant reboosté, j’avale la traditionnelle galette saucisse de festival. Il faut dire, pour continuer avec le parallèle fait entre une étape de tour de France et cette seconde journée, que je suis encore loin de l’arrivée ! Je cours (presque) voir le concert de Jeanne Added, qui marque là son grand retour avec son troisième album By Your Side. Pas de pression pour les photographes, l’artiste autorise l’accès en pied de scène pour toute la durée du set et c’est assez exceptionnel. C’est donc, en privilégié (j’en ai conscience) que, positionné au pied des « crash barrières », j’assiste à ce concert qui finit par enfoncer le clou émotionnel de cette fin d’après-midi.
Cette pop électronique sombre nous prend aux tripes. Jeanne est sincère et pleine d’énergie. Vêtue de noir, elle se transforme en fin de set en une belle aux bois dormant 2.0 dans une robe en cuir rose. C’est un mélange de Catwoman et d’une héroïne des contes de Perrault. Je la sens forte et tendre. On ne sait plus si on est dans le présent ou dans un futur, alors profitons du présent. Laissons filer le temps.
Le prochain concert doit nous faire découvrir un petit groupe de « Kings of Britpop » que vous connaissez peut-être : Blur. Non, ce n’est pas le bruit alimentaire d’un transit mal assuré. C’est le plus grand groupe de Britpop du monde ! Ont-ils pris le train, ont-ils pris l’avion, sont-ils venus en stop ? Qu’importe, ils sont là et nous aussi. From Wembley (90 000 Spectateurs) to Carhaix (60 000), avec deux heures d’arrêt sans passer par Hérouville Saint-Clair (ils retourneront à Beauregard en 2024, promis !). Damon Albarn, Graham Coxon, Alex James et Dave Rowntree remontent le temps pour proposer une compilation de leurs plus grands succès et c’est magique ! Du pur bonheur pour un quinqua comme moi.
Blur a révolutionné le visage de la pop. Porté par la voix du génial Damon Albarn, le groupe s’est rapidement imposé comme un incontournable des années 90, battant (ou pas) son concurrent direct Oasis (j’ai mon petit avis). Un vrai combat de gladiateurs, entretenu à l’époque par la presse cinglante anglaise. On se serait cru revenus au temps des interrogations sixties : alors, Beatles ou Rolling Stones ? Les charts explosent avec There’s No Other Way (1991) ou Beetlebum (1997), ou encore Parklife (1994) et le hit à la fois électro et disco Girls And Boys (1994). Le tube Song 2 (1997) raisonnera magnifiquement ce soir dans la belle prairie transformée en dancefloor de Sa Majesté.
Parmi tous les morceaux interprétés, je note également avec plaisir la présence de St. Charles Square, tiré du futur album The Ballad Of Darren à paraître le 21 juillet prochain, tout comme le single The Narcissist. Huit ans que le groupe n’avait pas exprimé son talent collectif depuis The Magic Whip en 2015. On nage en pleine culture anglaise, entre le look de Damon et l’ironie des textes so british. Quel beau gosse ce Damon à cinquante-cinq ans ! Le seul capable d’enfiler un chapeau zébré et des lunettes de clown sans paraître ridicule : un génie, un monstre gentil venu du Paradis ! Un poète et un amoureux de la France et de sa « Liberté, Egalité, Fraternité », en français dans le texte ou du moins en franglais.
On profite ce soir aussi des riffs de guitare déchiquetés de Graham Coxon, de ses sauts de puce et de sa superbe voix sur les titres Coffee And TV et Tender. Alex James, le bassiste, conduit la rythmique, une clope attachée chirurgicalement à sa lèvre inférieure, tout en surveillant la jambe blessée de son aîné le batteur Dave Rowntree (cinquante-neuf ans). Elle va tenir plus de 1h30 et marteler la caisse claire sur vingt titres.
Que du bonheur pour un public conquis (à part peut-être les plus jeunes). Et ce futur album est une promesse de jeunesse éternelle pour le groupe ressoudé. On n’est pas dans la simple recomposition à but lucratif, on est dans la création d’une musique aux textes parfois sombres parlant du quotidien londonien, mais aux airs enjoués qui nous poussent à danser et à sourire. On termine ce concert par le titre The Universal. Les quatre fantastiques ont frappé fort ce soir. Carhaix est le centre de la France, une capitale de la Brit pop estampillé en 4 lettres blanches suspendues dans le ciel : B. L. U. R.
Bien sûr, il y a une vie après Blur. La fatigue se faisant sentir, nous n’assisterons que partiellement aux concerts suivants. D’abord Ko Ko Mo, un duo musical explosif, Warren (guitare – chant) et Kevin « K20 » (batterie – chœurs). Sur les traces de leurs héros des 70’s, ils transcendent subtilement leurs influences pour nous offrir un « classic rock ».
Puis arrivent Shaka Ponk en tournée d’adieu. Le collectif fait trembler la plaine avec son show de pure énergie entre jungle, punk et gorille (AZ) à la française.
Fin d’une seconde journée, pleine et malheureusement pluvieuse, où le festivalier, tout comme les coureurs du tour de France, est passé par toutes les émotions, le tout en couleurs Bleu, Blanc, Rouge. Rendez-vous demain si nos mollets nous portent et le veulent bien !
Crédit photos Fabrice Droual