VIEILLES CHARRUES 15 Juillet 2023

Carhaix, du 13 au 17 juillet 2023

Live-report rédigé par Fabrice Droual le 16 juillet 2023

Pin-Pon Pin-Pon c’est déjà le troisième jour des Vieilles Charrues et les organismes ont été mis à dure épreuve. La sirène du camion de Pilou a beau chanter cette belle chanson, c’est plutôt le réveil en ce samedi matin qui nous prévient qu’on se doit d’honorer un rendez-vous dès 15h40 à Carhaix avec la jeune artiste française Zaho de Sagazan.

Révélée au grand public fin 2022, elle a fait une entrée très remarquée dans la cour des grands. C’est d’abord une voix singulière et puissante, qui nous fait dresser le poil sur les avants bras. Ce sont ensuite des textes puissants, portés par des rythmes électroniques entre techno berlinoise et electronica française qui nous questionnent. Tant de mélancolie à vingt-cinq ans c’est intriguant et cette chorégraphie nous semble d’abord mystérieuse puis rapidement gracieuse. « Vive les petites tempêtes », crie Zaho. Et de nous expliquer que la tristesse inspire ses chansons et lui a permis d’écrire cet album. Les mots en S lui vont si bien, entre tendresse et délicatesse. Son assurance lui fait tomber la veste et c’est sûre d’elle qu’elle nous dit « Ne te regarde pas, lâche toi ! ». Un tourbillon de liberté qui aurait mérité un passage un peu plus tardif, histoire que tout le monde arrive à temps et ne rate pas l’arrivée du train Zaho en gare de Carhaix.

Autre voix féminine, c’est au tour de Pomme, en pleine forme, de nous présenter son univers poétique sur la grande scène Glenmor. Très rapidement, la qualité de la prestation de Claire Pommet, dite Pomme, confirme que le fruit vert est devenu plus mûr. L’auteure-compositrice-interprète, musicienne et actrice qui n’a pas encore vingt-sept ans a sorti un troisième album intitulé Consolation, réalisé avec Flavien Berger. Lumineuse et bouleversante, la jeune femme réussit à capter l’attention d’un public arrivé massivement en ce milieu d’après-midi dans le verger de Kerampuilh.

Qui a volé, a volé, a volé la pomme, euh l’orange, du marchand ? Un Voyou probablement. En tout cas un doux rêveur, Thibaud Vanhooland, qui souhaite changer le monde en musique. Sur scène, avec sa guitare et sa trompette, son instrument de prédilection, le jeune homme de trente-quatre ans a su garder un sourire enfantin et une drôle de dégaine de clown lunaire. Une musique qui cajole et réchauffe les cœurs.

Musclons le jeu avec un autre grand timide, Lomepal (il paraît !). Skateur dans l’âme et pratiquant ce sport depuis sa plus jeune enfance, il a su aborder le rap comme cette première passion. Il alterne les couplets aux complexes figures techniques avec des phases chantées, d’autres slamées, et des moments plus rock et d’autres encore plus acoustiques. Dans son dernier album, Mauvais Ordre, on croise les ombres de Nicoletta qui, à une autre époque, aurait pu jouer sur la scène Glemnor un dimanche après-midi, de Cindy Lauper ou des Beatles du côté de Strawberry Fields Forever (pour de faux). On parle de golf, de tennis, sur un disque où Lomepal se livre et témoigne d’un état mélancolique rempli de doute. Loin des certitudes et de l’état de grâce que le succès pourrait induire. Une quête d’identité ou un coup de spleen ? Un peu des deux mon cher Monsieur. La vie peut paraître difficile pour Lomepal que l’on doit quitter avant la fin de son set pour rejoindre la scène Grall.

Là-bas, c’est tout le contraire apparemment avec le groupe anglais Easy Life. Voici un groupe qui fait la synthèse entre le rap gospel de Chance The Rapper avec le rock dispersé d’Arctic Monkeys, le tout croisé avec une vibe douce et veloutée à la Dilla. Made in England of course ! Dès ses débuts, le groupe a tout pour séduire aussi bien la presse que le public anglais : nonchalance, humour et décontraction au service d’une musique mélodieuse et aérienne, aux sonorités hip-hop, jazz, funk et pop. Il suffit de voir leur site officiel pour échapper à la morosité précédente. La vie est simple en rose sur tapisserie à fleurs.
Mais patatras ! Ils ne sont pas là. Les fans du premier rang ne comprennent pas. Moi non plus. Un tweet officiel prévenant qu’ils étaient en route, c’est l’espoir qui revient quand le bus (scolaire) dépose les Anglais au pied de la scène. Oui mais voilà, même avec un mot des parents « Excusez mon garnement, il a raté le Ferry et a voyagé durant 30h en bus », ça ne passe pas. Le co-programmateur Jean-Jacques Toux, transformé en proviseur de lycée, explique qu’il n’est pas possible de décaler les emplois du temps. C’est donc le concert le plus court de l’histoire des Vieilles Charrues auquel j’assiste. Après un léger échauffement a capella, Murray Matravers, juché sur les épaules d’un fan et accompagné de son guitariste Lewis Alexander Berry, finit par monter sur scène avec ses musiciens pour sept minutes de Live. Deux titres et puis s’en vont : navrés, tous penauds !
Dommage, il devait nous chanter la promesse d’une belle journée à base de « have a great day » avec vue sur mer sur Ocean View. Cela nous rappelle que la vie est parfois plus facile avec un peu d’organisation, mais tellement plus folle quand tout n’est pas millimétré. Un microéchantillon musical qui nous a mis l’eau à la bouche et mérite un comeback en 2024. Cette fois, Messieurs, ne ratez pas le bateau !

Les concerts s’enchaînent à un train d’enfer et nous voilà assoiffés, après ces émotions, en quête d’une petite Suze. C’est l’heure de l’apéro ! Mais c’est l’électro et la gouaille de Suzane, conteuse des temps modernes, qui nous attire. Vien que la nuit ne soit pas encore tombée, on sent l’ambiance nightclub s’installer dans la prairie. En français dans le texte, un petit côté Brel, Piaf d’une autre époque. Sans oublier Renaud (tonton Suze) et sa liberté de texte sur des rythmes un peu plus percutants tout de même. Finalement « cette musique pour jeunes » me convient, même si mon tee-shirt noir de New Order ne colle pas avec le dress code orange de Suzane.

Seul dans ce champ entouré de 50 000 personnes, je me sens bien. Il paraît que, dans quelques instants, la reine de la pop, du haut de ses trente ans, Rosalia l’espagnole va enflammer Kerampuilh. Moi qui pensais voir un chanteur des années 70 aux Vieilles Charrues, je vais devoir me contenter d’une chanteuse catalane au prénom proche de l’égérie de mon dit chanteur des années 70, tout en rondeur, salopette et barbe (je parle de Carlos, vous l’aviez compris !).
On est bien dans la fête foraine annoncée, mélange musical entre flamenco traditionnel et modernité. Le tout sur un budget chorégraphie à faire pâlir toutes les associations de majorettes ou de gymnastique acrobatique de France et de Navarre. Attention, Jean Paul Gaultier et Kamel Ouali n’ont qu’à bien se tenir ! Là ça dépasse l’entendement ! Un mélange Shakira-Madonna, filmé à 360°, avec porteur de carafe d’eau en cristal, moto humaine et danse flamenco par la belle, juchée sur un piano à queue. Magnifique ! Les fans sont aux anges. Dans ce monde 2.0 où la vidéo est reine, les Diva ont viré les guitaristes poilus aux cheveux longs.

Et pourtant il en reste, des spectateurs velus pour voir le groupe IDLES, qui joue après ! Moyenne scène pour grand groupe. C’est vrai que l’équipe « atelier danse » de notre groupe fétiche de Bristol est plus réduite (quoique !). Joe Talbot et Mark Bowen (le seul à faire un effort pour participer à Danse avec les Stars avec sa magnifique robe jaune) sont des mecs punchy, tatoués et en rage. Mais ces deux-là, avec leurs trois comparses, ne mordent pas. Ce sont de doux furieux qui nous livrent une nouvelle fois ce punk rock surpuissant qu’on a fini par apprivoiser. Quel contraste avec le line-up de ce samedi !
Joe porte un bandana blanc de tennisman, à rendre jaloux John McEnroe. Premier titre et Lee Kiernan, le guitariste au pantalon blanc, plonge dans la foule. Les membres du groupe sont parfaitement en place et le rythme très soutenu de batterie de Jon Beavis assène le tempo. Une setlist puissante, un groupe sauvage et généreux qui régale son public des titres de leurs quatre albums. La voix rauque de Joe Talbot oscille entre cri et chant, elle est puissante et cassée à la fois. Généreux du début à la fin du set, on peut se demander à quoi il carbure pour tenir la distance et ne pas s’éclater les cordes vocales. C’est vrai, Joe est « Mr Motivator », le groupe est un « Colossus » avec des pieds qui ne sont pas faits d’argile. Au contraire, ils sont faits d’os, de chair et on adore scander D.A.N.N.Y. N.E.D.E.L.K.O. Fort, très fort.

Une tisane et au lit, pas le temps d’écouter en stéréo Lewis Ofman, Kungs et les autres. Tant pis pour moi, le programme est trop intensif et je n’ai pas le don d’ubiquité. N’oublions pas qu’il reste deux jours de festival, tout de même !

Crédit Photos Fabrice Droual

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