VIEILLES CHARRUES 16 Juillet 2023
Carhaix, du 13 au 17 juillet 2023
Live-report rédigé par Fabrice Droual le 17 juillet 2023
« Mais vous êtes fous, oh oui ! ». Euh… Non ! Volontaire, tout simplement. Et ce n’est pas parce qu’on est bénévole qu’on ne peut pas travailler le dimanche ! On a ce qu’on mérite dans la vie. Si tu aimes le report live, tu vis le report live. Il ne faudrait tout de même pas s’en écœurer. J’en connais qui sont « morts au combat », lors de l’édition du Helfest 2022 et ses huit jours de canicule. Cette fois, aux Vieilles charrues, on ne peut pas dire qu’on se soit vidés de notre eau par transpiration caniculaire. Au contraire, on a absorbé plus d’eau qu’il n’en est ressorti. Un vrai climat breton, la faute à super El Niño.
Un temps à ne pas faire sortir les petits renards tourangeaux sur la scène Grall ce dimanche 16 juillet. Pas question de traiter cette bande de copains de « gamins ». Il suffit d’observer leur maturité musicale et leur audace scénique. Ils sont six sur scène, se sont connus au collège et au lycée et font de la musique depuis. Une énergie sautillante et des riffs de guitare fulgurantes tout au long d’un set de quarante-cinq minutes. Aucune interruption, de longues balades sonores, agrémentées du chant hurlant de Léo Howard ou de la voix plus posée d’Antoine Ferragu. Les Stuffed Fox nous auront régalé des titres de leurs deux albums Songs/Revolving et Songs/Motion Return, et il n’est que 16h.
16h 30 : un retour vers la scène Glenmor pour retrouver Jain, de retour pour un jeune public resté suspendu au succès tonitruant de ses deux précédents albums (Zanaka et Souldier) et de son dernier passage aux Vieilles Charrues en 2018. La Toulousaine a depuis pris le temps d’écrire et de composer un nouveau disque, équilibre entre électro, pop et folk qui nous vaut un joli live.
L’heure tourne, Il faut désormais choisir entre la verve bien aiguisée de Lorenzo, le rappeur rennais, et Mademoiselle K, la rockeuse Katerine Gierak. L’un à son célèbre bob sur la tête (oui, il y a un peu de soleil), la seconde risquerait de se vexer de notre absence. Une nouvelle fois, on prendra un peu des deux s’il vous plaît, même si rapidement l’auto-tune et l’univers kitch coloré du Rennais me fatigue. On a beau me dire que c’est de la dérision, le bob Game Boy, l’applaudimètre, le dragon rouge géant, on est bien dans la fête foraine annoncée. Génial pour les gamins qui s’éclatent, tant pis pour moi ! Dommage que les Vieilles Charrues n’aient pas proposé un chocolat chaud pour le goûter même si dans cette candeur, je sais que ce n’est pas la boisson la plus tirée du festival. J’ai donc plus apprécié la Mademoiselle.
De toutes façons, je préfère deux autres Rennais, Gwendoline. Ce duo de jeunes trentenaires composé de Mickaël Olivette et de Pierre Barrett, des loosers sensibles comme ils aiment à le dire. Sur scène, ils sont accompagnés par Romain Rival aux claviers et un nouveau guitariste dont je n’ai malheureusement pas trouvé le nom (désolé pour sa maman qui était dans le public). Leur album Après c’est Gobelet! a été réédité en janvier 2022 après une publication confidentielle en 2017 et a cartonné. Pour les deux musiciens, ce qui ressemblait au début à de simples discussions entre potes, à une blague, s’est transformé en un album au nom évocateur. On y trouve dix chansons avec un son cold wave et les titres expressifs Au Festival, Chevalier Ricard, Chèques Vacances, Audi RTT ou La Fin Du Monde. Des hymnes qui s’adressent à une génération en quête de sens et souvent désabusée.
Gwendoline ont su trouver leur public en se révélant en concert. Je retrouve cette énergie entraperçue d’abord aux Transmusicales de Rennes, puis dans de nombreux festivals. Le set a été complété depuis par une projection vidéo du meilleur goût. Il va sans dire que les médias, les hommes politiques en Z en M ou aux sourires Balkaniens, le fric facile, et les chèques RTT tout le monde s’y retrouve ! Les oreilles chauffent et ce n’est pas le son. Moroses les garçons ? Non, ils veulent simplement « passer à la Télé » et ils le chantent sur ce nouveau morceau de fin de set. Attention les gars, il ne faudrait pas être trop bons si vous voulez « partir à la retraite en mobylette », sinon ce sera avec chauffeur personnel. En attendant, ils continueront leur tournée au Paléo Festival dimanche en huit, rien que ça ! Et devraient sortir un prochain album en septembre prochain.
18h 50 : Soprano. Je zappe pour raison justifiable, même si l’initiative de chansigner en langue des signes le concert en direct est remarquable (ndlr: bravo à l’association 10 Doigts En Cavale). Avec eux mais sans moi, le plus grand rappeur français a su trouver son public et a tenu son pari : faire danser les habitants passagers de la plaine de Kerampuilh de sept à soixante-dix-sept ans (et plus). Je me situe dans la fourchette, mais à force d’exposer mes oreilles, j’ai un mot du docteur. Je réserve l’accès au pavillon de mes esgourdes aux Versaillais de Phoenix (le prix au m² est y plus sélectif !) et d’abord aux Anglais de Hot Chip.
Au cours des dix-huit dernières années, et avec huit albums au compteur, Hot Chip ont su relier les mondes de la pop et de la dance music avec un objectif finalement partagé avec Soprano : faire bouger les corps et toucher nos cœurs. Freakout/Release, leur dernier album, explore des émotions parfois sombres (tiens, on dirait du Lomepal !) contrastées par la chaleur des mélodies colorées et le timbre de voix épuré d’Alexis Taylor. Du Yoga-Danse qui nous fait du bien en cette fin de week-end à rallonge entre funk, groove et mélodies pop et électronique. Un tour de force pour ces quadras du dancefloor tout en couleur et en générosité. Alexis, vêtu d’un ensemble ciré casquette rose, et Joe Goddard, en costume salamandre, sont magnifiques. La voix haut perchée du Londonien sur Melody Of Love résonne dans les traverses de Kerampuilh façon Neil Tennant des Pet Shop Boys et fait tourner sur eux-mêmes les autres musiciens et le public. Joli tour de force.
21h50 : Phoenix entre en scène. Le plus international des groupes français a sorti son dernier album Alpha Zulu en novembre dernier : des mélodies accrocheuses auxquelles se marient une production toujours novatrice (enregistré au Musée des Arts Décoratifs de Paris, dans le Palais du Louvre). La réputation scénique de Phoenix n’est plus à faire, le concert de ce soir le confirme. Je vis une véritable expérience musicale aussi visuelle qu’intense et je m’aperçois que sans être un fan absolu, je reconnais un nombre incalculable de chansons finalement devenues des classiques. Thomas Mars, Deck d’Arcy, Laurent Brancowitz, Christian Mazzalai, accompagnés de Thomas Hedlund à la batterie et d’un claviériste supplémentaire, sont au rendez-vous de leur « Wembley breton ». Chapeau à la bande de quatre (plus deux) qui aura conquis les Vieilles charrues pour la cinquième fois et moi-même pour la première. Bravo à Thomas d’avoir slamer sur cent mètres sur une mer de public. Heureusement que le fil de son microphone était tiré par la fratrie Brancowitz, sinon l’amoureux transi de la Bretagne depuis sa plus jeune enfance ne serait pas rentré au port versaillais.
Un peu plus tard, Acid Arab et son électro orientale et Paul Kalkbrenner et sa techno allemande se tireront la bourre. Des sons inimitables et pleins d’énergie entre minimalisme et raï futuriste. Et dire que tout cela va durer au moins jusque 2h du matin se disent au loin les habitants de Carhaix qui travaillent en ce lundi matin. Et non, jusque mardi matin messieurs dames ! Cette année on a ajouté un soir. Merci Mr finger !
Crédit photos Fabrice Droual